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 Les mots manquent aux émotions ∞ Ida

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MessageSujet: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptySam 15 Aoû - 19:36

Ida & Jeanne
“Comme tous les hommes, [elle] était beaucoup plus [éloquente] pour demander que pour remercier.”


fin Mai 1311

Les doigts de la jeune comtesse de Hainaut passaient avec douceur dans les boucles brunes de son aîné. Et, comme s’il sentait la présence de sa mère même lorsqu’il se trouvait dans les bras de Morphée, l’enfant se retourna, s’approchant encore d’avantage de cette dernière. Un mélange de douceur infinie et d’inquiétude était inscrit dans le regard de la jolie brune, alors que ses doigts se refermaient délicatement autour de la main si frêle de son fils. Voilà près d’une semaine que l’héritier des Avesnes était pris d’une fièvre si violente que le docteur que Jeanne avait fait venir n’avait eu que peu d’espoir de sauver le jeune garçon. Et durant tout ce temps, la jeune comtesse avait refusé de quitter le chevet de son fils. Sa peur de perdre son aîné était bien trop grande pour qu’elle ne s’absente plus de quelques heures chaque nuit : si les craintes du médecin auraient du se réaliser – que Dieu le protège de ce sort funeste – elle avait voulu être avec lui jusqu’à la fin. Mais heureusement pour la jolie brune, Dieu semblait avoir entendu ses prières : voilà plusieurs heures déjà que la fièvre du garçon avait baissé, redonnant espoir à sa mère. Se penchant au-dessus de son enfant, la jeune comtesse embrassa tendrement le front de ce dernier.

« Tu vivras, tu entends ? Il n’en peut être autrement. »

Un raclement de gorge sortit la jolie brune de ses pensées. Une jeune servante se tenait dans l’ouverture de la porte, visiblement mal à l’aise.

« Ma Dame, le docteur vient d’arriver. »
« Fais le entrer. »

D’un mouvement long, la jolie brune se redressa, et malgré sa grossesse avancée, elle parvint à se lever avec une certaine grâce. Ses traits étaient marqués par la fatigue, ses vêtements et ses cheveux bien moins ordonnées que d’habitude, mais qu’importaient les apparences dans une telle situation ?

« Je vous remercie d’avoir pu vous libérer aussi rapidement. » entrecoupa la jolie brune les flatteries que cet homme jugeait bon de lui répéter à chacune de leur rencontre. Sans doute ce dernier ne méritait pas une telle froideur de sa part, mais le manque de sommeil commençait à demander son tribut, et elle n’avait pas la patience d’écouter de telles banalités.

« Son état s’est-il encore dégradé ? » demanda le docteur, non pas sans froncer une fois de plus ses sourcils lorsque son regard frôla le ventre rond de la châtelaine. Combien de fois lui avait-il répété qu’elle se mettait en danger, ainsi que son enfant à naître, en restant auprès du malade ? Mais tous ses discours sur les risques que représentait le fait de respirer cet air contaminé n’avait eu effet sur la jeune femme, si bien qu’il avait à craindre l’époux de cette dernière risquait fort de le tenir pour responsable s’il arrivait malheur à elle ou à l’enfant qu’elle portait... Après tout, le caractère impulsif du comte n’était un secret pour personne. Oh, qu’est-ce qu’il maudissait cette femme têtue, même s’il prenait toujours grand soin de cacher ce mépris derrière de nombreuses flatteries !

« Non, que Dieu soit loué. Il semble que ce soit bien le contraire qui soit le cas : sa fière a enfin disparu. Mais je serais tout de même plus rassurée d’entendre l’opinion d’un expert à ce sujet.  »

La crainte s’empara une fois de plus de l’esprit de la jeune comtesse, alors qu’elle observait chaque moment du physicien qui inspectait désormais son jeune patient. Et si cela n’était qu’une illusion ? Une légère amélioration précédant une rechute fatale ? L’image de sa belle-mère revenait à l’esprit de la jolie brune. Seulement quelques mois plus tôt, Philippa du Luxembourg était elle aussi tombée malade, et lorsque tout le monde avait cru qu’elle était sur le chemin du rétablissement, Dieu avait jugé bon de la rappeler auprès de lui. Une dernière lueur d’espoir, avant les ténèbres. Les ongles de la jeune femme s’enfoncèrent douloureusement dans sa chair, alors qu’elle serra ses poings pour éviter que son tremblement ne trahisse son angoisse. Elle ne pouvait pas perdre son petit Jean. Elle ne le supporterait pas. Mais à son grand soulagement, le physicien ne tarda pas à donner son pronostique.

« Le pire semble désormais derrière lui. commença l’homme sur un ton quelque peu surpris, mais rapidement, il reprit cet air hautain qu’il affichait habituellement. Mais cela n’a rien d’étonnant. Mes remèdes sont réputés pour leur efficacité bien au-delà de la ville de Valenciennes. »

De toute évidence, il avait oublié que, seulement quelques jours plus tôt, il avait conseillé la comtesse de se préparer à ce que l’enfant ne survivrait certainement pas la nuit. Mais le jour suivant, Jean avait toujours été vivant. Et le suivant également. Jeanne avait une petite idée à quoi cela pouvait être du, mais elle n’allait pas en débattre devant le physicien : le matin même, la servante qui avait pour habitude de prendre la place de Jeanne aux côtés du petit garçon lorsque cette dernière s’accordait quelques courtes heures de sommeil, était venue lui confesser qu’elle avait laissé entrer cette Ida – la sœur bâtarde de Guillaume – dans la chambre de Jean. Et selon cette servante, sa guérison miraculeuse n’était due qu’aux infusions que la jeune de Cuser lui avait préparées. Cette nouvelle avait mis Jeanne hors d’elle, et si ses pensées n’auraient pas toutes été occupées par son enfant malade, certainement aurait-elle remit cette bâtarde à sa place. Comme si cela n’était pas assez qu’elle soit obligée à voir chaque jour l’enfant illégitime de son époux,  de supporter à ce que Claas suive la même éducation que ses propres enfants, les descendants de deux Rois. Non, il avait fallu qu’en plus les bâtards de son feu beau-père ne viennent demander protection à leur frère – et que ce dernier ne les accueille dans sa maisonnée. C’était comme si partout où Jeanne regardait, on lui rappelait l’infidélité des hommes de la famille d’Avesnes. Certes, sa position s’était considérablement améliorée depuis que l’ancienne maîtresse de son époux soit mariée à un petit seigneur sans importance, mais la cicatrice que cette époque avait laissée n’allait sans doute jamais entièrement disparaître. Et maintenant, il fallait en plus que ces bâtards se prennent toutes sortes de libertés !

« Je remercierais Dieu de vous avoir d’avoir mis sur notre chemin un homme de si grand talent, lorsque nous en avions le plus besoin. » répliqua la jeune femme d’une voix douce, coupant ainsi court au monologue du physicien dans lequel il dressait une fois de plus ses éloges.

Difficile à dire si l’homme avait saisi le sarcasme porté par les mots de la jolie brune, mais il semblait au moins avoir compris une chose : il était libre de partir. S’inclinant une fois de plus devant la nièce du Roi, il finit par quitter la chambre, laissant cette dernière de nouveau seule avec son fils. A peine la lourde porte s’était fermée derrière la silhouette disgracieuse de l’homme que des larmes se mirent à couler sur les joues de la jolie brune. Pendant tout le temps qu’avait duré cette visite, elle était parvenue à contenir ses émotions, mais trop grand était son soulagement pour qu’elle puisse continuer à le cacher derrière un masque impassible. Maintenant qu’il semblait sûr que son fils s’en sortirait, toutes les craintes des derniers jours, toutes ces visions horrifiques qu’elle avait tenté d’enfuir au plus profond d’elle, refaisaient surface. Combinées au manque de sommeil et à l’hypersensibilité due à sa grossesse, cela donnait un mélange explosif.

Elle n’aurait su dire combien de temps elle était restée là, assise sur le bord du lit, à mêler sourire et larmes, avant de parvenir à se ressaisir. Caressant une fois de plus le visage angélique de son fils, la jolie brune finit par se lever pour appeler une des servantes.

« Apporte moi de quoi manger, et puis fais savoir à Dame Ida que je souhaiterais m’entretenir avec elle. Qu’elle vienne me rejoindre ici lorsqu’elle sera disponible. »

Jusqu’ici, les seules préoccupations de Jeanne avaient concernés le bien-être de son fils, mais désormais qu’il commençait à aller mieux, il était temps qu’elle se reprenne en main. A commencer par penser d’avantage à cette nouvelle vie qu’elle portait en elle. Il ne lui restait qu’un mois avant l’accouchement, et elle avait déjà été trop négligente ces derniers jours… Mais si ces bonnes résolutions comprenaient entre autre une plus grande attention au prendre des repas – son appétit avait été quasi absent ces derniers temps, et même maintenant, elle avait encore l’impression de devoir se forcer à manger -, il était toujours hors de question qu’elle ne quitte le chevet de son fils. Pas tant qu’il ne s’était pas pleinement remis.

Assise près de la fenêtre, la jeune comtesse venait d’entamer le repas que la servante lui avait apporté, lorsqu’on frappa à la porte.

« Entrez. A peine avait-elle prononcé ces quelques mots qu’une jolie blonde franchit le pas de la porte. Ah, Ida. Je vous remercie d’être venue aussi rapidement. Je vous en prie, asseyez-vous »

Posant son assiette plus loin, la jolie brune pointa sur les coussins juste en face d’elle, alors qu’elle ne lâchait pas sa "belle-sœur" du regard. Comment devait-elle réagir ? Comment pouvait-elle commencer ? Parce qu’elle ne pouvait pas ignorer le fait qu’Ida s’était permise de prendre de telles libertés : comment une personne qui était simplement tolérée sous le toit des Avesnes – du moins du point de vue de Jeanne, Guillaume ne semblait pas être du même avis – pouvait-elle oser décider de donner des soi-disant remèdes au petit-neveu du Roi de France ? Mais en même temps, cette intervention pouvait bien avoir sauvé la vie de l’héritier du Hainaut… Jeanne réprimandait un soupire. Pourquoi avait-elle du faire appeler Ida maintenant au lieu de s’occuper de cette affaire une fois qu’elle aurait eu l’occasion de se reposer ?

« Ma servante Blanche s’est sentie obligée de me faire une confession troublante ce matin. commença-t-elle, sans pour autant détourner son regard de la jeune femme. Elle m’a avoué de vous avoir laissé entrer dans la chambre de mon fils, et pire encore, de vous avoir lui laissé administrer Dieu-sait-quelles-potions. Le visage de la jeune comtesse restait impassible, mais la froideur qui se cachait dans sa voix ne laissait que peu de doutes sur ce qu’elle pensait de telles actions. Pendant un moment, la jolie brune resta silencieuse, ne sachant pas comment continuer. Elle ne voulait pas faire peur à la jeune femme, mais en même temps, elle voulait qu’Ida comprenne qu’une telle chose ne devait pas se reproduire. Car si cette fois, elle était enclin à oublier, il était hors de question qu’Ida n’agisse une fois de plus dans son dos. Personne ne touchait à ses enfants sans son accord. Un soupire échappa des lèvres de la jolie brune. Mais elle est également persuadée que mon fils ne doit sa vie uniquement à vos potions. continua-t-elle sur un ton plus doux, alors que son regard dévia pendant un court instant vers le lit où Jean dormait encore. Son air impassible disparut pour laisser place à l’expression d’une tendresse infinie. Il semble donc que remerciements sont de rigueur. Se tournant de nouveau vers sa "belle-sœur", la jolie brune hésita. Voilà la partie de leur conversation qu’elle avait tant redoutée, et pourtant, un autre regard en direction de son fils qui respirait de nouveau paisiblement lui donna la force de continuer. J’ignore si Blanche a raison, et que vos potions ont guéri mon fils, mais si cela est vrai… enfin, ce que je souhaite dire, c’est que des mots ne suffissent pas à exprimer à quel point je vous suis reconnaissante. Rien ne dépasse l’amour d’une mère pour ses enfants, et la seule idée que l’un d’eux aurait pu m’être repris… La jolie brune s’interrompit pour faire le signe de la croix. Mais cela ne veut pas dire que je puis tolérer que vous agissiez ainsi dans mon dos. Comme Jean semble se remettre, je suis inclin à oublier cette partie… si vous me jurez que cela ne se produira plus. Que vous ne donnerez plus aucune infusion ou autre à mes enfants sans avoir eu préalablement eu mon accord. »

Une fois de plus, la jeune comtesse se tut, se contentant d'observer son interlocutrice. Si proches en âge, la différence entre les deux femmes n'aurait sans doute pas pu être plus frappante : l'une blonde, l'autre brune. L'une au corps gracile, l'autre au physique déformé par la grossesse. L'une bâtarde, l'une petite-fille de Roi.

« Et si vous me racontiez comment vous avez su quelles herbes utiliser pour sauver mon fils ? » finit par demander Jeanne, rompant une fois de plus le silence qui s'était installé entre elle, tout en tentant d'en apprendre plus au sujet de la femme qui, selon sa servante, avait sauvé son fils.

© Starseed


Dernière édition par Jeanne d'Avesnes le Ven 21 Aoû - 16:06, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyLun 17 Aoû - 15:33



Les mots manquent aux émotions


Avec Jeanne d'Avesnes



Et si elle l'apprenait ? Cette Blanche n'est pas fiable, elle est terrorisée par elle... Mais qui ne le serait pas ?
Il faut seulement que cela ait fonctionné. C'est le plus important, il faut que l'enfant vive. Sinon je ne me le pardonnerai jamais, et Guillaume non plus...


Depuis trois jours, Ida ne dormait plus. Avait-elle vraiment bien fait de s'occuper du fils aîné de son demi-frère, qui était aux portes de la mort ? Sa mère aurait très certainement approuvé son geste : après tout, c'était elle qui avait transmis à Ida sa connaissance des plantes. Mais elle lui avait également rappelé à maintes reprises combien un mauvais usage ou pire, un mauvais dosage, pouvait tuer au lieu de sauver. La blonde était presque certaine de ne pas s'être fourvoyée... Mais presque n'était pas assez. Et l'approbation maternelle n'avait jamais été pour elle une garantie : le nom d'Agnès de Cuser avait un temps été évoqué lors de la mort de son mari, pouvait-on seulement lui faire confiance ?
Ida avait suivi son instinct, elle voulait juste sauver l'héritier de son frère : néanmoins, malgré toute leur vérité, ces paroles ne la sauveraient pas de l'ire de Jeanne d'Avesnes -et donc de Guillaume d'Avesnes, mari de celle-ci-, pas plus qu'elles ne laveraient sa conscience si l'enfant venait à mourir. Jean de Hainaut était le fils préféré de ses parents, leur aîné adoré, et en temps normal, jamais Jeanne n'aurait laissé une bâtarde l'approcher. Seulement, Ida n'avait pas demandé sa permission à la mère éplorée pour tenter de soigner le bambin atteint de fièvre maligne.

Bien sûr, la puissante famille d'Avesnes, cousine des rois de France, avait fait appel au meilleur médecin de la Cour : cela n'avait pas suffi. Le même docteur avait décrété que l'enfant ne tiendrait pas deux jours, et Ida avait alors décidé d'agir. Attendant que Jeanne tombe d'épuisement à force de veilles et de souci, elle s'était introduite dans la chambre du malade afin de lui faire avaler une décoction puissante de plantes fraîchement cueillies. Son plan n'avait comporté qu'un seul défaut, qui lui avait semblé mineur sur le moment, mais qui revenait maintenant la tourmenter. La servante favorite de Jeanne, une jeune femme craintive répondant au nom de Blanche, veillait le supposé mourant lorsque sa mère s'endormait. La blonde avait pu persuader l'autre de ne rien dire de ses visites vespérales à leur employeuse, mais elle avait des doutes sur le silence de la bonne.

Depuis quelques jours, contrairement aux pronostics, l'enfant semblait se rétablir doucement. Reprenant des couleurs, demandant à manger de la nourriture solide : sa fièvre était retombée et ses yeux étaient à nouveau expressifs. Mais le sommeil d'Ida n'en était point moins troublé.
Elle s'était décidée, ce matin-là, à aller trouver Jeanne et à affronter le courroux de l'actuelle comtesse de Hainaut, Hollande et Zélande. Elle allait tout lui avouer, en espérant que l'enfant vivrait. Mais lorsqu'elle avait rejoint les appartements de sa maîtresse, elle avait dû attendre : celle-ci recevait le médecin, espérant un verdict positif. Et lorsque l'homme de science sortit, l'entrée lui fut encore refusée : la comtesse avait besoin de temps avec son enfant, sauf au final.

Soulagée de savoir que l'enfant vivrait, Ida ne pouvait cependant quitter les lieux : il lui fallait parler avec Jeanne, lui avouer son secret. Jamais la bâtarde de Jean Ier de Hainaut n'aurait osé demander le moindre crédit pour son action, cependant. Elle s'était juré de ne jamais user des plantes sur autrui, et voilà qu'elle avait brisé son propre vœu. Comment aurait-elle au surplus trouvé en elle la force de se faire reconnaître pour ce sauvetage ? Non, elle souhaitait juste que celle qui la tolérait à peine sache ce qu'elle avait fait, et puisse la juger en conséquence. Si elle devait être renvoyée, elle l'accepterait.
Songeant à la colère de Willem lorsqu'il apprendrait les faits, elle se dit néanmoins que ce ne serait pas de si bonne grâce qu'elle quitterait le service de Guillaume et Jeanne. Son frère aîné n'approuvait pas l'ancestral savoir de leur mère, et voulait à tout prix racheter leur bâtardise en servant son frère légitime. Alors, s'il venait à savoir que sa cadette avait employé les plantes et avait pour ce fait -qu'Ida ne pouvait se résoudre à appeler sorcellerie- été chassée de la maisonnée de ses vénérés parents, sa colère serait sans nul doute terrible.

L'angoisse serrait la gorge de la blonde demoiselle. Ou était-ce le remords ? Non, décida-t-elle. Jean de Hainaut deviendrait Jean II, il vivrait et deviendrait l'héritier de son père. Cela seul importait. Elle manqua tout de même de s'évanouir lorsqu'une servante vint la trouver et lui demanda de se rendre chez Jeanne. Rassemblant son courage, elle se leva sur ses jambes tremblantes: on eût dit qu'elle était la malade, ou peu s'en fallait.
Elle entra dans la chambre où le petit garçon brun reposait, son visage désormais apaisé. Qu'il était beau en cet instant de paix et de sommeil ! Une vague de chaleur submergea son cœur, qui reflua bien vite lorsqu'elle se tourna vers la comtesse, appuyée près de la fenêtre. Cette dernière s'arrêta de manger, repoussa son assiette, et tourna un regard fatigué vers la bâtarde de son beau-père.

Ida savait que Jeanne n'appréciait guère sa présence, mais Guillaume avait insisté pour l'imposer auprès de sa femme. Allait-elle enfin payer le prix de ce que la comtesse ne pouvait voir que comme une insulte ? Il semblait que non, ou du moins pas immédiatement : la voix de Jeanne d'Avesnes était douce, et surtout, comme Ida ne manqua pas de le remarquer, fatiguée. Il était plus que temps que la brune se reposât, elle qui en était à son huitième mois de grossesse ! Le moment ne semblait pas propice toutefois à de tels conseils, aussi la blonde se tut-elle.

Blanche avait avoué. Elle le sut avant que les lèvres de la brune ne bougent, mais ne l'avait-elle pas toujours su ? La suite ne fut que formalités. La comtesse réprimanda l'usage de ce qu'elle appela des potions, mais ce qu'elle dit par après étonna Catherine au plus haut point. Non seulement elle n'était pas renvoyée, non seulement Jeanne ne lui en voulait pas... Mais en plus elle lui donnait l'autorisation informelle de rester auprès des enfants ! Certes, il ne faudrait plus agir en douce, Ida le jura en regardant la brune droit dans les yeux. Sa voix ne tremblait pas, et sa décision était prise : plus jamais elle ne guérirait les enfants d'Avesnes, sans l'accord de leur mère.

Mais les surprises ne s'arrêtèrent pas là : celle que la blonde avait toujours cru froide et dure comme pierre se révéla douce et chaleureuse lorsqu'elle demanda d'où venait son savoir des herbes. Elle ne put lui répondre tout de suite, prenant d'abord le temps de respirer, de réaliser qu'aujourd'hui ne serait pas le jour où elle quitterait le service de sa presque-belle-sœur.

Ce savoir... Il me vient de ma mère, Madame. Agnès de Cuser. Elle nous a appris tout ce qu'elle savait, à ma sœur Aleide et moi, lorsque nous avons quitté le couvent.

Le pire était passé, mais Ida continuait de redouter que Jeanne ne fût au courant des rumeurs qui avaient couru sur le compte de sa mère. Mère qui avait commis un crime d'adultère en aimant le comte de Hainaut, père de Guillaume d'Avesnes... Et qui était soupçonnée du meurtre de son mari véritable.




© Truth & Clio
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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyVen 21 Aoû - 21:37

Ida & Jeanne
“Comme tous les hommes, [elle] était beaucoup plus [éloquente] pour demander que pour remercier.”


fin Mai 1311

Pendant un court instant, le regard de la jolie brune resta rivé sur l'assiette, avant qu'elle ne finisse par la repousser avec regret. Certes, elle avait souhaité terminer au plus vite ce qui s'apprêtait certainement à être une rencontre peu agréable, et c'était bien pour cela qu'elle avait fait savoir à sa servante qu'elle souhaitait parler à Ida au plus vite. Et pourtant, maintenant qu'elle avait commencé à manger quelques bouchées, sa faim s'était éveillée, et elle aurait bien engloutit le contenu de l'assiette tout entière. 'Plus tard' songea-t-elle, éloignant l'assiette comme pour éviter ainsi une trop forte tentation. Après tout, elle n'avait que peu mangé ces derniers jours, alors attendre une demi-heure de plus n'allait pas changer grand-chose. Désormais, elle avait des affaires bien plus importantes à régler avec la jeune Ida, bien qu'elle ne sache pas encore comment réagir vis-à-vis de la jeune femme. Elle avait agi sans l'autorisation du comte ou de son épouse, - et Dieu seul savait ce qu'elle avait bien pu administrer au petit garçon ! - et rien que pour une action aussi irresponsable, elle méritait d'être châtiée... sauf que la jolie brune était encore bien trop sous l'emprise des émotions pour ignorer la possibilité que ce fût justement l'interférence d'Ida qui avait sauvé son fils. Alors que faire ? Retenant un soupire, la jolie brune observa son interlocutrice, silencieuse elle aussi. Ah, les Avesnes et leurs bâtards ! D'abord, elle avait dû supporter la présence de la maîtresse de son époux, l'ignoble Alida. Et qui sait, peut-être que si cette dernière aurait été plus discrète, Jeanne aurait pu s’accommoder avec la situation. Mais "discrète" était très certainement le dernier mot qui venait à l'esprit de quiconque à qui on demandait de décrire Alida van de Geyne. Et si juste après le mariage, Jeanne avait été bien trop jeune et réservée pour gérer une telle situation, cela avait changé au cours des années. Il y avait à peine une année qu'elle était parvenue à convaincre Guillaume de marier la mère de son bâtard - et surtout de l'éloigner du château. Peu de temps après, elle était retombée enceinte une fois de plus. Tout avait semblé si parfait, jusqu'à ce qu'une des anciennes affaires de Jean de Hainaut ne les rattrape. Les maîtresses des Seigneurs de Hainaut et leurs enfants illégitimes n'allaient-ils donc jamais la laisser tranquille ? Oh, la jeune comtesse était parfaitement consciente que son propre père avait lui aussi une ribambelle d'enfants qui étaient de son sang, sans pour autant jamais porter le nom de Valois. Mais contrairement aux Avesnes, ce dernier semblait bien moins enclin à reconnaître officiellement les preuves de ses aventures en dehors du lit conjugal. Certes, il s'arrangeait à ce qu'ils ne manquaient de rien, voir à ce qu'ils aient une éducation digne de ce nom, mais jamais l'idée ne lui viendrait que de les élever avec ses propres enfants, comme le faisait Guillaume avec Claas. Sauf que la jolie blonde qui se tenait face à elle avec un air intimidée n'était pour rien dans toute cette amertume que Jeanne éprouvait toujours à ce sujet. Sans doute était-ce même un avantage non négligeable que la jeune Ida ne tentait même pas de lui répliquer, ou de défendre ses actions. Non, Ida restait là immobile, et sans oser répliquer à la comtesse. Ce n'était qu'une fois que cette dernière lui posa une question directe qu'elle finit par prendre la parole d'une voix tremblante pour prononcer un nom : Agnès de Cuser. Un seul nom qui pourtant suffisait à ce que tous les sens de la jolie brune ne se mettent en alerte, alors que ses doigts se crispèrent. Après l'arrivée du château de cette dernière, en compagnie des enfants qu'elle clamait être ceux du feu comte de Hainaut, Jeanne avait bien évidemment tenté de mener sa propre enquête. Après tout, Guillaume avait décidé sur un coup de tête que ses demi-sœurs, ainsi que son demi-frère, allaient vivre sous leur toit, alors comment aurait-elle pu rester sans rien faire ? Quoiqu'il en soit, une vieille servante embauchée aux cuisines avait eu une histoire intéressante à raconter au sujet de cette Agnèes. Bien sûr, il était impossible de dire si ces accusations avaient un quelconque fondement, et pourtant, cette nouvelle avait refroidit encore d'avantage Jeanne vis-à-vis à cette partie illégitime de sa belle-famille.

Pinçant légèrement ses lèvres, la jolie brune posait délicatement une main sur son ventre arrondi, tentant de garder son calme, et surtout éviter d'émettre des paroles qu'elle risquerait de regretter. Sentir cette nouvelle vie qui grandissait en elle avait quelque chose d'apaisant, au point qu'après un court moment de silence, elle parvient de nouveau à faire face calmement à son interlocutrice.

« Il semble qu'elle ait été une bonne enseignante alors... bien que j'ose espérer que cela n'ait pas été le cas dans tous les domaines. »

Insistant sur le 'tous les domaines', la jeune comtesse souhaitait faire comprendre à son interlocutrice que les rumeurs au sujet de la famille de Cuser ne lui étaient pas inconnus, d'autant que c'était - entre autre - pour cela qu'elle avait fait de son mieux pour limiter au plus possible le contact entre les enfants d'Agnès et les siens. Qui sait, peut-être de telles précautions n'auraient-ce pas été nécessaires, surtout qu'en vu des  événements récents, mais comment pourrait-elle ne pas se montrer méfiante envers les nouveaux venus ? D'autant plus qu'ils avaient apparus devant les Avesnes à peine le corps de Philippa du Hainaut avait été mis en terre... Quoiqu'il en soit, jusqu'à présent, la jeune comtesse n'avait accordé que bien peu de temps ou d'attention aux demi-sœurs - ou même au demi-frère - de son époux. Peut-être était-il temps de changer cela... D'un geste de main, la jeune comtesse invita son interlocutrice à s'asseoir face à elle. Le moment n’était peut-être pas des mieux choisit, puisque Jeanne n’avait pour seule envie de s’allonger aux côtés de Jean pour trouver elle aussi un peu de repos, tout en restant aux côtés de son fils, mais à quoi bon repousser encore et encore ce moment ? Ida se trouvait face à elle, et Jeanne avait encore pas mal de questions, alors à quoi bon d’attendre ?

« Comment saviez-vous saviez de quel mal soufrait mon fils ? Et surtout, comment se fait-il que ma servante soit persuadée que votre remède ait été bien plus efficace que celui d'un homme ayant consacré sa vie à l'art de la guérison ? finit-elle par demander. Certes, Ida venait de lui avouer qu'elle avait appris de sa mère à se servir des plantes pour soigner certains maux, mais de là à reconnaître de quel mal souffrait le patient, et de trouver un remède plus efficace que celui d'un homme ayant passé plusieurs années à étudier la médecine... Avez-vous eu pour habitude de prendre soin des malades ? »

Nombreuses étaient les femmes capables de changer un pansement, ou même de nettoyer certaines plaies : c'était là des connaissances forts pratiques - si ce n'est, nécessaires - pour une épouse dont l'époux se battait régulièrement pour son Roi. Les blessures étaient alors choses communes, et peu nombreuses étaient celles qui nécessitaient l'intervention d'un physicien. En revanche, il était bien plus rare qu'une femme noble soit en mesure d'utiliser elle-même des plantes pour guérir.

« Et surtout, pourquoi avez-vous décidé d'intervenir ? »

Loin d'être un reproche, cette dernières question était posée sous le signe de la curiosité, car peu importe à quel point Jeanne souhaitait voir dans le geste un simple cas de charité chrétienne pour aider son voisin, elle avait appris à se méfier des apparences, et pour cause : dans la famille au sein de laquelle elle avait grandi, de tels principes n'étaient appliqués que pour cacher des intentions bien moins nobles...
© Starseed
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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyMer 26 Aoû - 17:56



Les mots manquent aux émotions


Avec Jeanne d'Avesnes



Ida respirait mieux, maintenant. Le fait d'avoir avoué -ou plutôt reconnu- ses actes la libérait d'un poids. Cela faisait cliché, certes : elle n'avait jamais vraiment cru au pouvoir des mots, contrairement à tous ces gens qui se confessaient et clamaient ensuite haut et fort combien cela les apaisait. Décidément, la foi n'était pas quelque chose pour elle : ce que les nonnes de Val Duchesse avaient des années durant essayé de lui inculquer, voilà qu'elle le ressentait seulement maintenant... Et dans un contexte qui n'avait rien à voir avec le prieuré.
En réalité, elle se sentait mieux, tout simplement parce qu'elle n'avait plus à cacher cet héritage que d'aucuns auraient pu qualifier de douteux. Ces connaissances maternelles si peu recommandées pour paraître en société, et qu'elle avait cachées pendant si longtemps, point n'était besoin de les dissimuler désormais, fût-ce devant une seule personne. Et le fait que cette unique personne soit Jeanne d'Avesnes, femme du demi-frère auquel elle devait presque tout, donnait à ce secret désormais partagé d'autant plus de valeur aux yeux de la blonde.

Néanmoins, se confier ne résolvait pas tous les problèmes d'un coup de baguette magique. Jeanne restait en effet sur la défensive, et cela ne s'améliora guère lorsque sa damoiselle de parage lui donna le nom de sa préceptrice en matière de plantes. Presque immédiatement, Ida regretta d'avoir répondu à l'inquisitrice question de la Valois : elle vit les mains de celle-ci se resserrer autour de son ventre rebondi, et ce fut presque aussi fort qu'une gifle. La blonde resta droite néanmoins : elle n'aimait pas mentir, et s'il fallait que Jeanne l'apprenne, autant que ce soit d'elle : oui, elle savait user des plantes, et oui, sa mère le lui avait appris. Et si Jeanne savait pour les rumeurs qui entouraient sa génitrice, eh bien soit !

Pour sa part, Ida ne connaissait pas le fond de vérité de ces rumeurs. Certes, Agnès de Cuser savait quelles plantes il fallait pour que le trépas d'un homme paraisse naturel... Mais aurait-elle osé le faire, avait-elle causé la mort de son mari ? Sa fille en doutait, et ce doute la rongeait. Cependant, il lui était impossible d'avoir une réponse à cette lancinante question : chaque jour qui passait, sa mère s'enfonçait plus avant dans la profonde nostalgie de ses jeunes années. D'aucuns la disaient folle, mais Ida la pensait juste doucement dérangée, vivant dans son propre passé. Et les mesures draconiennes prises par Willem n'avaient très certainement rien arrangé : en cloîtrant sa mère comme il le faisait, il l'enfermait un peu plus dans son délire. La benjamine avait tenté bien des fois de radoucir son aîné, arguant du fait que tout cela ne menait à rien, mais celui-ci était sourd à toute contestation : selon lui, Agnès n'avait que ce qu'elle méritait.

Jeanne poursuivait, souhaitant qu'Agnès n'ait pas transmis tous ses savoirs à sa progéniture. Cette fois, Ida garda le silence : elle ne voulait pas mentir à celle qui venait de faire montre de bonté envers elle. Sa mère lu avait bel et bien appris quelles fleurs pouvaient tuer un homme bien portant, et à quelle vitesse, mais elle s'était promis de ne jamais, au grand jamais, appliquer ces recettes. Aussi n'était-ce pas un silence coupable, du moins Ida se força-t-elle à voir les choses sous cet angle, qu'elle savait pourtant biaisé.
Mais Jeanne continuait encore, invitant au passage sa demoiselle de parage à s'asseoir en face d'elle. Ida prit donc le siège désigné, et tâcha de rester digne et humble à la fois, face à cette femme qui exigeait de tout savoir d'elle.

J'ai souvent vu ma mère à l’œuvre, Madame. Elle s'occupait des malades du village lorsqu'on le lui demandait. Quant à la maladie de Jean... je veux dire de votre fils, la fièvre est signe de souci interne : notre corps ne parvient plus à effectuer certaines tâches., expliqua la blonde avec les mots exacts ou presque de sa mère des années plus tôt. Il suffit ensuite de demander au malade l'endroit précis où il souffre le plus pour déterminer précisément quel organe défaille. Ne voulant pas vexer Jeanne, qui avait tout de même payé un éminent praticien pour tenter de sauver son fils, Ida continua en soupesant ses mots. Cet homme que vous avez engagé... Certes, il a étudié la médecine, et je ne voudrais point mettre ses talents en cause, mais... Le plus souvent, les médecins se contentent de vous parler d'humeurs, et de pratiquer des saignées qui ne font qu'affaiblir encore le malade. Je ne veux pas lui causer de tort, il pensait certainement bien faire, mais... les saignées sont un remède pire que le mal, Madame.

Ida avait horreur des physiciens. Ces hommes n'étaient pour elle que des charlatans, et c'était pour apaiser la conscience de la mère qu'elle était si diplomate. En effet, comment aurait réagi la brune si elle lui avait dit qu'en appelant ce soi-disant médecin, elle aurait pu condamner son aîné, son enfant chéri ? Non, définitivement, il valait mieux laisser la comtesse ignorante de ses pensées. La culpabilité pouvait détruire aussi sûrement que le poison, la bâtarde ne le savait que trop bien. La culpabilité, la honte, le secret... Tous ces maux vous entraînaient chaque jour plus loin de vous-même et des autres. Et tôt ou tard, il fallait en payer le prix.

Le flot presque ininterrompu des pensées de la blonde fut soudain perturbé par la vision d'un oiseau passant devant la fenêtre de la chambre. Ramenée brutalement à l'instant présent, elle sentit son estomac se contracter douloureusement lorsque le fumet du plat de la comtesse l'atteint de plein fouet. Elle n'avait pas mangé depuis son lever, tourmentée par le sort de Jean d'Avesnes, mais son ventre se révoltait maintenant, exigeant d'être rempli. Elle réduisit le bruyant organe au silence en se forçant à se concentrer sur les paroles de son employeuse.

Si je me suis permise d'agir, Madame, c'est parce que... La gorge de la blonde soudain se serra, sous l'effet de la peine -ou était-ce de la faim ? ... J'ai vu un enfant souffrir, et je... je ne pouvais pas le tolérer.

La vérité était bien plus sombre. La maladie de Jean lui avait rappelé celle des dizaines d'enfançons qui avaient péri en Hainaut lors d'une épidémie de choléra. Cette année-là, alors qu'elle venait de rentrer du couvent et avait jusque-là catégoriquement refusé de suivre sa mère dans ses tournées auprès des femmes des environs, elle avait vu les larmes des pères. Ces hommes pourtant solides, fiers et frustes, pleuraient comme leurs femmes face à la mort de leur petit dernier. Face à cette peine, à ce désespoir, la blonde alors âgée de moins de vingt ans avait réalisé son égoïsme. Qui était-elle pour refuser d'aider ces familles ? Par après, elle avait docilement suivi sa mère, et appris à soigner les infections ou à cautériser les plaies, sans jamais plus discuter.

Je suis désolée, je n'aurais pas dû, je n'avais pas le droit, mais... J'avais les moyens d'aider votre fils, il fallait que je le fasse. Me le pardonnerez-vous ?




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Dernière édition par Ida de Cuser le Lun 7 Sep - 9:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyMer 2 Sep - 15:50

Ida & Jeanne
“Comme tous les hommes, [elle] était beaucoup plus [éloquente] pour demander que pour remercier.”


fin Mai 1311

Sans dire un seul mot, la jolie brune écoutait attentivement le récit de celle qui pouvait être considérée comme étant sa demi-sœur par alliance. A vrai dire, les explications de cette dernière sonnaient confuses à ses oreilles : les rares connaissances qu’elle-même possédait en matière de soins aux malades consistaient à laver ou bandager des plaies, voir éventuellement poser des compresses froides pour faire baisser la température d’un malade s’il souffrait d’une fièvre. Des connaissances qui pouvaient s’avérer particulièrement utiles lorsqu’on était marié à un homme qui portait la guerre dans son sang… mais elles ne restaient pas moins superficielles. Quant au reste, elle préférait laisser des professionnels s’en charger. Après tout, il était certainement le devoir d’une femme à prendre soin de leur prochain, mais de diagnostiquer le mal dont était saisie une personne ou même procurer des remèdes, voilà bien un travail pour un homme de sciences. Mais de toute évidence, Ida ne semblait pas du même avis sur le sujet, et pour la première fois depuis le début de leur entretien, la jolie blonde semblait abandonner la contemplation de ses pieds et faire preuve d’une certaine passion en parlant des maladies et de leurs origines.

En entendant les paroles de la jeune femme, la première réaction de Jeanne était de la remettre à sa place : pour qui se prenait-elle – elle, la fille d’une femme sans honneur – pour critiquer un homme ayant étudié parmi les esprits les plus brillants de France ? Pinçant ses lèvres, la jolie brune tourna la tête pour poser son regard sur son fils qui, pour la première fois depuis bien des jours, semblait jouir d’un sommeil paisible. Mais peu importe ce qu’elle pouvait bien penser de l’audace de la jeune Ida, elle ne pouvait nier le fait que la réussite de cette dernière semblait lui donner raison.

« Je ne tolérerais pas que l’on critique un physicien réputé en ma présence, et ce d’autant plus que ses services nous ont déjà été précieux à plus d’une reprise dans le passé. finit-elle par répliquer sur un ton bien plus doux que l’auraient laissé penser ses paroles. Qui sait, peut-être si l’attitude hautaine de l’homme ne l’avait pas répugné elle aussi, aurait-elle émis cette ordre avec plus de ferveur et non seulement par obligation : après tout, personne ne pouvait dire quand serait la prochaine fois qu’ils auraient besoin de cet homme, alors mieux valait éviter qu’ils ne soient surpris en train de le critiquer. Pour adoucir un tant soit peu ses paroles, elle finit par ajouter : Bien que la réussite de vos actions semble conforter vos dires. »

Un violent coup de pied de la part de l’enfant à naître fit grimacer la jolie brune, alors qu’elle se leva, les mains appuyées dans son dos. Jusqu’à maintenant, elle n’avait jamais eu à se plaindre d’éventuelles complications lors de ses grossesses, au contraire, son corps semblait toujours les supporter avec une certaine facilité… mais maintenant qu’elle n’allait pas tarder son neuvième mois, elle commençait de plus en plus souvent à ressentir ce mal de dos, au point que depuis peu, celui-ci était devenu son compagnon quotidien. Ce n’était sans doute rien d’inquiétant en soit, puisqu’il en avait été de même lors de ses trois précédentes grossesses, mais c’était bien là une des raisons pour lesquelles elle était toujours soulagée quand ses grossesses se terminaient enfin. Espérant que marcher lui changeraient les idées, ou du moins ferait passer la sensation de douleur, la jeune femme se mit à faire les cents pas devant son interlocutrice.

« Tu sembles avoir un bon cœur, Ida. » finit-elle par répondre, sur un ton mélangeant surprise et douceur.

Depuis aussi souvent qu’elle puisse s’en souvenir, rares étaient les personnes qui avaient commis une quelconque action par pure bonté de cœur. Que ce soit à la cour de France, ou même au sein de sa propre famille, chacun ne voyait que ses propres intérêts, chacun complotait pour obtenir plus de pouvoir, de titres ou d’argent. Et même à la résidence des Avesnes, les choses ne semblaient pas si différentes, seulement les intrigues se faisaient à une moindre échelle… bien que depuis le départ d’Alida, ces dernières semblaient avoir grandement diminuées en nombre. S’approchant une fois de plus de la fenêtre où était assise Ida, la jolie brune ne put s’empêcher de remarquer le regard que cette dernière lançait à l’assiette pleine qui était posée non loin d’elle, et où étaient toujours déposé quelques bouts de jambon, de fromage, ainsi que plusieurs tranches de pain. Un repas fort simple, mais qui paraissait fort appétissant aux yeux de la jeune brune… et de toute évidence également à ceux de son interlocutrice.

« Veuillez m’excuser, j’aurais dû vous proposer de quoi manger. finit-elle par dire, attrapant un bout de fromage de ses doigts, avant d’inviter Ida à en faire de même. Je vous en prie, servez-vous. Je crains que c’est un repas fort frugal, mais il y en a assez pour nous deux. »

Après tout, elle avait encore un tas de questions à poser à la jeune femme, alors autant la mettre à l’aise si elle espérait recevoir des réponses… et puis, de cette manière au moins, elle pouvait elle aussi manger, ce qui était également un avantage non négligeable.

« Et que peux-je faire pour montrer ma reconnaissance ? » demanda la jeune comtesse au bout d’un moment de silence.

Ce n’était nullement la réponse que la jolie blonde devait certainement attendre à sa question, mais peu importe à quel point l’idée que la jeune femme n’avait agi que par pure bonté  de cœur lui plaisait, elle ne pouvait pas complètement ignorer son instinct qui lui disait que chaque bonne action avait un prix. La question était donc de savoir ce que la jeune Ida désirait en retour… et qui sait, peut-être la réponse allait lui aider à saisir un peu plus le caractère de la jolie blonde, car pour l’instant, cette dernière restait encore un mystère pour Jeanne.

« Vous êtes conscient que mon époux entendra parler de cette... disons, intervention. Et si je suis  encline à oublier tout cela, je ne puis promettre qu'il en sera de même pour lui. »

Le regard plongé dans celui de son interlocutrice, Jeanne s'immobilisa un court instant, avant de se remettre à marcher. Voilà plus de six ans qu'elle était l'épouse de Guillaume d'Avesnes, et elle s'apprêtait à donner naissance à leur quatrième enfant, et pourtant, les réaction de cet homme lui restaient toujours un mystère. S'il pouvait par moment se montrer habile stratège, il n'y avait pas moins des moments où il semblait vouloir traverser les murs tête la première. Lui qui était habituellement si peu enclin à montrer ses sentiments, devenait un homme doux et aimant en compagnie de ses enfants. Et si au cours du temps, elle avait appris à l'aimer et à se faire une place dans la vie de ce dernier, elle ne demeurait pas moins incapable de dire comment il réagirait en entendant la nouvelle. Serait-il prit d'un accès de colère, ou - tout comme elle - se contenterait-il de voir le résultat final, à savoir que leur fils aîné vivait, et ce certainement grâce à l'intervention d'Ida ? Un bref soupire échappa des lèvres de la jolie brune, alors qu'elle reprenait sa place près de la fenêtre.

« Je ferais ce qui est de mon possible pour l'apaiser, si cela devrait s'avérer nécessaire. »

Sans doute que la jolie blonde qui se tenait face à elle aurait apprécié entendre autre chose, qu'elle aurait aimé l'entendre dire que cette histoire était pardonnée et oubliée, mais comment Jeanne pourrait-elle dire cela ? Peut-être qu'elle-même ne pardonnerait que trop volontiers à la jeune femme, mais elle ne pouvait faire des promesses sur le compte de son époux.

« Mais en échange, j'aimerais que vous me parler de vous, puisqu'on ne m'a pu apprendre que bien peu de choses à ce sujet. J'ai cru entendre que vous avez été éduquée dans un couvent ? »
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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyLun 7 Sep - 13:40



Les mots manquent aux émotions


Avec Jeanne d'Avesnes



Les lèvres de la Valois se pincèrent lorsqu'elle entendit les opinions de sa damoiselle de parage au sujet des médecins. Certes, les hommes de science étaient des personnages importants à la Cour, mais Ida ne regretta pas ses paroles pour autant. Il fallait que Jeanne sache, qu'elle prenne garde aux inutiles manigances de ces imposteurs : et puis, c'était elle qui avait requis l'honnêteté de la blonde, Ida n'avait fait que lui obéir.
Néanmoins la brune sembla se détendre : un regard vers son fils aîné, qui dormait maintenant paisiblement, et sa voix se fit moins dure. Tout en désapprouvant les dires d'Ida, elle ne les condamnait pas pour autant. La blonde savait que ce regain de grâce n'était dû qu'à la présence silencieuse de l'enfant miraculé : Jean était la preuve vivante de ce qu'elle avançait.

Le fin sourire de Jeanne se transforma cependant bien vite en grimace, alors qu'elle se levait pour se dégourdir les jambes. Le bébé était remuant, cela sautait aux yeux : mais Ida n'allait certainement pas prendre le risque de proposer ses services à la comtesse. Il était encore trop tôt, la blessure était encore trop fraîche dans l'orgueil de la noble dame. Après quelques pas, cette dernière se retourna, et passant au tutoiement, fit rougir sa blonde belle-sœur. Qu'une dame aussi altière que la comtesse Jeanne de Hainaut, Hollande et Zélande s'abaisse à ce genre de remerciements était pour sa demoiselle de compagnie un immense honneur. Elle ne sut que dire, se contentant de gratifier son employeuse d'un regard qui voulait dire tant et plus.
Repassant au vouvoiement sans autre formalité, Jeanne proposa à Ida de partager son repas. Et si le premier réflexe de la seconde fut de refuser poliment, sa faim l'emporta sur sa dignité, et elle s'empara elle aussi d'un morceau de jambon. Dieu qu'il était bon d'avoir enfin quelque chose sur l'estomac ! La saveur de la viande n'avait jamais été telle, et elle s'empressa de remercier Jeanne.

Merci beaucoup, Madame la comtesse. C'est tout à fait délicieux, merci encore Madame.

Les paroles suivantes de la brune étonnèrent encore plus Ida. Comment cela, lui montrer sa reconnaissance ? Jeanne d'Avesnes était-elle tombée sur la tête, ou bien était-ce la douleur de l'accouchement proche qui lui faisait perdre ses moyens ? Ida ne désirait en aucun cas être payée, elle l'aurait même pris comme une insulte : elle n'avait rien fait elle-même, si ce n'était cueillir les plantes ! C'étaient en vérité celles-ci qui avaient soigné Jean d'Avesnes, pas elle ! Elle cherchait encore un moyen de répondre diplomatiquement à la comtesse sans la vexer, lorsque cette même comtesse lui affirma qu'elle était dans l'obligation de parler des derniers déroulements de la maladie à son mari.
Ida fut terrifiée par cette annonce. Certes, Jeanne avait plutôt bien pris que son fils soit en définitive sauvé, et Guillaume était certes celui qui l'avait recueillie sous son toit après les années de misère… Mais comment réagirait-il s'il apprenait qu'elle lui cachait un tel secret ? Toute l'anxiété qu'elle pensait disparue revint au grand galop, la submergeant et lui faisant même regretter d'avoir partagé la nourriture qui lui avait été proposée. La nausée ne se dissipa que très légèrement lorsque Jeanne lui garantit qu'elle calmerait les humeurs de son mari. Si celui-ci entrait dans l'une de ses colères noires, plus rien ne pourrait l'arrêter, Ida le savait.
Après quelques mois au sein de la maisonnée des Avesnes, elle avait bien vite compris que personne ne disait au comte ce qu'il devait faire. Pour exemple, l'affaire Dampierre : Jeanne avait depuis leur mariage tenté plusieurs fois d'apaiser son époux au sujet de la famille de Flandres. En vain. Guillaume restait inflexible, voire même durcissait sa position lorsque le sujet était abordé.

Décidant toutefois que ce qui devrait arriver arriverait, tôt ou tard (même si elle avait une nette préférence pour le tard), Ida répondit enfin à celle qui la questionnait avec tant d'ardeur. Elle aurait préféré que Guillaume ne sût jamais rien de ce qui était arrivé dans cette chambre, mais puisqu'il le fallait, elle se tenait prête -à nouveau- à affronter le pire. Et puis, songea-t-elle avec un peu d'espoir, il était le père de cet enfant... Il ne saurait lui en vouloir de l'avoir en définitive sauvé !

Je ne désire rien de plus que continuer à vous servir, Madame. Quant à Monsieur le comte, je suis prête à prendre mes responsabilités dans cette affaire. Je ne puis que vous remercier encore de m'avoir d'ores et déjà assurée de votre soutien.

Sa voix tremblait, mais elle tâcha de l'assurer mieux pour répondre aux interrogations suivantes de son employeuse. Elle désirait maintenant savoir où Ida avait été éduquée. La blonde ne put s'empêcher de ressentir une légère pointe d'amertume face aux questions de Jeanne. Si seulement elle s'était avisée de les lui poser avant, tout ceci ne se serait pas déroulé de la même façon... Elle aurait pu être l'héroïne qui avait sauvé Jean, et la mère de celui-ci aurait pu être la femme qui avait fait ce qu'il fallait pour que son bambin vive... Mais ces réflexions étaient vaines, elle ne le savait que trop bien. La connaissance des plantes était mal considérée, elle l'avait toujours été et le serait sans doute encore longtemps. Avouer cela à Jeanne plus tôt aurait signé son arrêt de mort, au mieux.
Ida se contenta donc de répondre, ignorant la petite voix en elle qui lui criait que Jeanne n'aurait jamais dû l'ignorer de la sorte lorsqu'elles avaient été présentées l'une à l'autre par le comte de Hainaut.

J'ai en effet été élevée au couvent de Val Duchesse, Madame. J'y ai été envoyée selon le souhait de feu le comte Jean, lorsque j'avais sept ans, et j'y suis restée jusqu'à mes treize ans. Le souvenir de son départ était encore vif dans son esprit. Elle n'avait jamais pensé devenir nonne elle aussi, mais devoir quitter les quelques amies qu'elle s'était faites là-bas lui avait paru cruel. Les nonnes m'ont appris à lire en latin, en français et en flamand, ainsi qu'à compter et à jouer de la musique, se rappelle-t-elle, souriant malgré la gravité de la situation. Les années au prieuré étaient si calmes ! Point de complots, de politique ; point de ragots ; point d'autre animation que la rare visite d'un noble de environs... Cela lui manque parfois, mais aujourd'hui elle est heureuse de sa place aux côtés de Jeanne d'Avesnes. Reste à savoir si cela va durer...




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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyMar 8 Sep - 18:06

Ida & Jeanne
“Comme tous les hommes, [elle] était beaucoup plus [éloquente] pour demander que pour remercier.”


fin Mai 1311

Depuis sa tendre enfance, Jeanne avait été préparée à un jour gérer sa propre maisonnée. On lui avait appris à être une mère, une épouse, une châtelaine. Et pourtant, depuis son arrivée sur les terres de son époux, la jeune femme avait l’impression de se tenir sur un terrain instable. Rien dans tout son enseignement ne l’avait préparé à ce qui l'avait attendu ici. Elle avait mis des années pour apprendre à affirmer son autorité, et prendre les choses en main. Et quand elle avait enfin cru que tout était en ordre, elle se trouvait une fois de plus devant un problème dont elle ignorait la solution. Sans doute aurait-il été facile que de détester ces enfants illégitimes de Jean d’Avesnes, ou même de s’assurer qu’ils vivent loin, quelque part où elle ne les verrait pas chaque jour. Après tout, l’aînée était déjà mariée, alors pourquoi ne pas en faire de même de la cadette ? Ce serait certainement la solution la plus facile pour tout le monde, qui en plus aurait l’avantage de renforcer le lien entre le comte de Hainaut et un Seigneur de frontière par le biais d’un mariage. Après tout, Ida avait beau être illégitime, elle ne restait pas moins une femme qui dont la beauté attirait le regard de plus d’un homme… sans même parler du fait qu’elle était apparentée au comte de Hainaut, Hollande et Zélande. Mais Guillaume en avait décidé autrement, si bien que pour l’instant, la jolie blonde restait avec la famille d’Avesnes. Et qui sait, peut-être qu’en vue des récents événements, cela n’avait pas été une aussi mauvaise solution que Jeanne l’avait pensé au départ. Cependant, elle serait certainement bien plus à ses aises si seulement elle serait en mesure de dire ce qui animait réellement la jeune femme, mais cette dernière avait soigneusement évité sa question, affirmant qu’elle ne désirait rien autre que de lui servir. Un soupire échappa des lèvres de la jolie brune, alors qu’elle se répétait qu’elle avait peut-être fait une erreur en décidant de parler à Ida sur le champ. Sans doute qu’après une nuit de sommeil, elle aurait été bien plus en mesure d’apprendre la vérité sur cette affaire, au pire par quelque chemin détourné en prenant la jolie blonde au dépourvue. Mais aujourd’hui, elle n’en avait ni le courage, ni la patience.

« Je souhaite vous croire. C’est une bien agréable pensée qu’il y ait encore des personnes dont les actions sont gouvernées uniquement par la bonté de leur cœur. Voyant l’expression qui se dessinait doucement sur le visage de son interlocutrice, montrant que cette réponse n’était sans doute pas pour lui plaire, elle finit par ajouter : Ne le prenez pas mal, j’ai été éduquée à ne faire confiance en personne, et que l’on ne peut se fier en la bonté des autres. ‘Pourquoi lui raconte-je ça ?’ se demanda la jeune comtesse. Certes, observer les membres de sa propre famille avait été la leçon la plus efficace pour apprendre à se méfier des apparences, mais ce n’était habituellement pas une chose qu’elle partageait avec d’autres personnes. Et pourtant, je ne puis nier que vous semblez sincère. »

Pendant un long moment, le regard de la jolie brune resta rivé sur le visage de son interlocutrice, sur lequel elle croyait avoir discerné une certaine crainte à la seule mention du comte. Une réaction que la jolie brune ne pouvait que trop bien comprendre, puisque cette dernière avait également été la sienne lors des premiers mois de son mariage avec Guillaume d’Avesnes. Cet homme si froid et pourtant doté d’un caractère volcanique l’avait impressionné bien plus qu’elle n’avait voulu l’admettre à l’époque, au point qu’elle avait largement préféré la compagnie de son beau-frère Jean à celle de son mari. Mais au fur et à mesure que son propre caractère s’était affirmé au cours des années, elle avait appris à se montrer moins impressionnée par les humeurs de son époux, et surtout à l’apaiser. Et si en compagnie, elle se contentait de jouer le rôle d’épouse digne et soumise, les choses étaient tout autre une fois qu’ils étaient dans l’intimité de leurs appartements. Là, elle n’hésitait pas à donner son avis ou tenter de le conseiller sur telle ou telle chose… non pas que Guillaume suivait toujours ses conseils, mais il les écoutait, et nombreuses étaient les fois où elle était au moins parvenue à adoucir telle ou telle décision du jeune comte.

« Il finirait par l'apprendre d'une manière ou d'une autre, après tout, il n'eut pas fallu longtemps pour que j'en entende parler. reprit-elle d'une voix douce, tentant de calmer son interlocutrice. Alors mieux vaut-il qu'il l'apprenne de la bouche d'une personne qui ne tentera point de vous prêter des motifs bien moins purs. C'est la moindre chose que je puisse faire pour vous. »  

Et plus encore, la jeune Ida avait certainement plus à gagner si Guillaume apprenait cette nouvelle de la bouche d'une personne qui saurait orienter sa réaction dans le bon sens. Car si le jeune comte pouvait se montrer d'une nature généreuse, il avait surtout tendance à s'emporter bien trop rapidement, souvent même avant de réellement réfléchir à la situation. Alors apprendre que sa jeune sœur illégitime avait donné Dieu-sait-quel remède à son fils aîné, toutes les réactions étaient possibles. Les meilleures... mais aussi les pires, du point de vue de la jeune femme.

Poussant l'épineuse question de comment mettre Guillaume au courant de cela, tout en s'assurant qu'il réagirait de la meilleure manière possible, dans un coin de sa esprit, la jolie brune apporta de nouveau son attention sur son interlocutrice. Bien sûr, elle avait déjà apprises certaines informations au sujet des enfants de la fameuse Agnès de Cuser, et ce n'était pas tellement son époux qui les lui avait fourni, mais bien son beaux-frère Jean. Malgré tout, les histoires qu'elle avait pu entendre au sujet de cette petite famille restaient quelque peu vagues, si bien que la jeune femme était bien décidée de profiter de l'occasion pour les approfondir. Parler du couvent n'était donc pour elle qu'un moyen pour lancer la discussion, tout en espérant pouvoir rebondir sur les réponses que lui fournirait la jeune femme.

« Cela vous a plu, n'est-ce pas ? finit-elle par répliquer d'une voix douce. En vu de la passion avec laquelle parlait désormais la jeune femme, et surtout au fait qu'elle semblait tout à coup plus détendue, il ne semblait pas avoir de doutes à ce sujet. Si vous souhaitez y retourner, je pourrais en toucher quelques mots au comte... bien que - si vous permettez que je parle ouvertement - vous ne me semblez pas être de celles qui souhaitent passer leur vie au couvent.  Sachez seulement que c'est une voie qui vous est ouverte, si tel est votre choix. »  

Mais d'après le peu de choses que Jeanne avait pu apprendre au sujet d'Ida jusqu'à présent, et d'après ce qu'elle avait observé, la jolie blonde semblait bien trop aventureuse et amoureuse de la vie pour souhaitez embrasser une carrière marquée par les prières et la privation.

« Si vous appréciez la musique, il est certainement fort dommage que vous ne soyez venu au château quelques semaines plus tôt, puisqu'un jeune troubadour de talent a passé l'hiver ici, et j'ose dire que sa présence nous a fortement adouci ces rudes journées. ajouta-t-elle, un sourire sur les lèvres. Au départ, il avait été prévu que le jeune homme en question ne séjourne seulement quelques nuits auprès des Avesnes, mais rapidement, les journées étaient devenues des semaines, puis des mois, si bien qu'il ne les avait quitté qu'une fois le printemps arrivé. Mais vous dites que les pieuses femme du Val Duchesse vous ont enseigné la musique : dois-je comprendre que vous êtes en mesure de jouer un instrument ? »  
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Dernière édition par Jeanne d'Avesnes le Sam 3 Oct - 13:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptyVen 25 Sep - 16:59



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Avec Jeanne d'Avesnes



C'était exactement comme avant. La tension était revenue, en pire peut-être. Depuis qu'elle avait acquis le savoir de sa mère Agnès, Ida portait en permanence un poids sur les épaules : celui de celle qui sait qu'elle devra un jour user de ses connaissances, tout en sachant aussi bien que cela pourrait lui valoir le pire des châtiments. Mais comment ne pas agir ? Qui aurait le droit de refuser des soins à un malade ? Cela n'arrivait que rarement, mais de temps à autre, la jolie blonde souhaitait n'avoir jamais appris à se servir d'une serpette…
Néanmoins, parler de cette partie de sa vie lui avait fait du bien. Et puis Jeanne semblait lui faire plus confiance, même si apparemment elle ne croyait pas tout à fait Ida lorsque celle-ci lui affirmait ne rien désirer de plus que d'être à son service. Comment, se demandait la belle hennuyère, pouvait-on en venir à douter de son entourage à ce point ? Elle qui était par nature généreuse et sans arrière-pensées (certains auraient dit naïve) ne pouvait comprendre que l'on désirât plus que ce qui vous était donné… Sa sœur aînée, Aleide de Cuser, n'aurait pas été de cet avis, elle le savait. Ambitieuse et toujours désireuse de plus, Aleide avait toujours suivi les leçons maternelles avec plus d'allant que sa cadette. Pourtant, dans le fond, elles n'étaient pas si différentes, les filles de Cuser : preuve en était leur lutte commune pour cette même mère avec laquelle Ida entretenait de si conflictuels rapports.
Mais les membres d'une famille ne devaient-ils pas toujours rester unis ? Faire défection à ceux qu'elle considérait comme sa famille, à savoir les Avesnes, n'aurait jamais traversé l'esprit de la demoiselle de parage, pas plus qu'elle ne pouvait imaginer devenir nonne un jour.

Alors que Jeanne lui indiquait (et sans doute, cela devait partir d'une bonne intention) qu'elle était toute prête à la renvoyer au couvent, Ida revoyait en pensée les jours paisibles passés avec les religieuses. Non, décidément, elle ne voulait pas y retourner ! Elle avait été comme un oiseau en cage là-bas, heureux que parce qu'il ignore l'existence d'un monde extérieur. Depuis qu'elle avait goûté à ce dernier, la jolie demoiselle savait ne plus pouvoir s'en passer… Elle ne reviendrait pas au prieuré, c'était hors de question. S'efforçant de transmettre sa pensée à la comtesse, Ida inspira avant de se lancer :

Merci Madame… Mais je ne le souhaite aucunement. Cela me plaisait, avant, lorsque je n'étais qu'une enfant… Vous l'avez bien compris, je ne suis pas de celles qui prennent le voile. Mais je vous remercie encore de cette attention, vous êtes vraiment très gentille, je ne mérite pas tant !


Lorsque la dame de Valois lui conta ensuite la venue d'un troubadour l'hiver précédent, Ida n'écouta pas tant l'anecdote que les mots de son employeuse. Si elle était venue quelques semaines plus tôt, songea-t-elle non sans amertume, elle n'aurait pu entrer au château. Jeanne oubliait-elle que c'était la mort de sa belle-mère qui avait permis aux bâtards de son beau-père de revenir dans le giron des Avesnes ? Non, la brune était altière mais pas idiote. Sans doute avait-elle oublié, ces mots lui avaient échappé... Mais si tel était le cas, c'est que sa situation était préoccupante. La douleur de l'enfant à venir n'était-elle pas trop intense pour la jeune femme ? Ida était inquiète pour sa demi-sœur, qu'elle avait vu se fatiguer ces derniers jours à une allure bien trop rapide. Aussi, après avoir répondu à la comtesse au sujet de son amour pour la musique, se permit-elle d'avancer une proposition audacieuse.

Je sais en effet jouer de plusieurs instruments, Madame, dont la viole et la harpe... M'autoriseriez-vous à en jouer pour vous ? Cela pourrait vous détendre, vous semblez exténuée...

N'osant pas s'avancer plus, Ida souhaitait tout de même montrer que la fatigue de Jeanne la touchait. Celle-ci accepterait-elle son aide ? Rien n'était moins sûr...



HRP : Désolée du temps de réponse absolument immense...


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MessageSujet: Re: Les mots manquent aux émotions ∞ Ida Les mots manquent aux émotions ∞ Ida EmptySam 3 Oct - 19:49

Ida & Jeanne
“Comme tous les hommes, [elle] était beaucoup plus [éloquente] pour demander que pour remercier.”


fin Mai 1311

Certaines personnes semblaient avoir un don pour toujours trouver les bons mots, et ce quelque soit la situation. Cela avait été une des nombreuses qualités que Jeanne avait tant admiré chez sa belle-mère, Catherine de Courtenay, mais hélas, elle-même ne semblait pas posséder ce don. La conversation avec la fille illégitime de Jean de Hainaut était bien loin de se dérouler comme elle l’avait imaginé, et ses paroles semblaient avoir pour seul effet de pousser la jeune de Cuser dans ses retranchements. Certes, il était sans doute mieux que cette dernière constate que l’on était mieux conseillé de ne pas défier la maîtresse de ces lieux, ne serait-ce uniquement pour éviter de se retrouver avec une deuxième Alida – bien que contrairement à cette dernière, Ida ne bénéficierait jamais de l’influence que pouvait apporter la position de maîtresse du comte. Mais bien que Jeanne avait au cours des années appris à s’imposer, elle ne souhaitait nullement régner par la terreur. Le fait que Guillaume ait décidé d’accueillir à bras ouverts les enfants illégitimes de son feu père était bien loin de lui plaire, mais tant que ces derniers étaient fidèles aux Avesnes, ils n’avaient rien à craindre de sa part. Pourtant, à en juger de la réaction d’Ida, on pouvait presqu’être emmené à croire que Jeanne était une personne des plus intimidantes. Retenant soupire, la jolie brune observait longuement son enfant endormi non loin d’elle. Pour être parfaitement honnête, elle se sentait bien trop las pour avoir une telle conversation, et aurait certainement tout donnée pour pouvoir s’allonger aux côtés de son fils et sombrer elle-aussi dans les bras de Morphée. Mais elle ne pouvait s’arrêter à mi-chemin.

« Sieur Guillaume vous a accueilli dans notre demeure, et en tant que son épouse, il est de mon devoir de veiller au bien-être des membres de notre maisonnée. répliqua la jeune femme d’une voix douce. Bien sûr, elle aurait de toute évidence pu se servir de sa position pour rendre la vie difficile à enfants de Cuser, mais à quoi bon ? Ces derniers avaient beau lui rappeler des souvenirs des plus déplaisants, ce n’était pas elle la principale offensée dans cette histoire. Cette dernière se trouvait six pieds sous terre. Alors elle s’était contenté d’ignorer le plus possible la présence de ces enfants nés du pêché… jusqu’à ce que cela ne soit plus possible. Et les événements des derniers jours lui avaient montré qu’il était grand temps de leur accorder plus d’attention. Si prendre le voile n'est pas votre destinée, alors quelle est-elle ? Comment imaginez-vous votre vie future ? »

Si personne n'était réellement en mesure de choisir sa vie future, tout le monde en revanche avait des rêves la concernant, et à vrai dire, Jeanne espérait que la réponse à cette question lui permettrait de mieux saisir le caractère de son interlocutrice. Durant toute cette entrevue, la jeune comtesse de Hainaut faisait de son mieux pour trouver un juste milieu entre gentillesse et un certain distancement du à la différence de leur rang, mais durant tout ce temps, il y avait bien une question qui ne cessait de lui revenir à l'esprit : sa belle-mère avait-elle été une femme bien plus forte qu'elle pour imposer que les bâtards de son époux restent loin de sa demeure, ou bien Jean de Hainaut avait-il été plus délicat, plus respectueux envers les sentiments de son épouse que ne l'était son fils envers la sienne ? Car si - à la connaissance de Jeanne - il n'avait jamais été question que les enfants illégitimes de Jean ne viennent s'installer au château des Avesnes, il avait semblé parfaitement normal à Guillaume de faire éduquer Claas avec son héritier... un fait que, même maintenant qu'Alida avait définitivement quitté le lit et le château du comte de Hainaut, Jeanne avait toujours autant de mal à accepter. Mais que pouvait-elle bien faire contre les volontés de son époux ? Bien sûr, elle pouvait toujours se plaindre à lui... mais c'était bien par ce genre de scènes que l'ancienne maîtresse avait fini par perdre les faveurs du comte, et autant dire que Jeanne avait tiré leçon des erreurs de sa concurrente, et elle ne comptait pas mettre en péril cette relation qu'elle s'était donné tant de mal à établir. Non, pour l'instant, elle n'avait pas d'autre choix que de faire bonne mine et feindre accepter la décision de son époux.

La suite de la conversation prit une tournure sans doute plus légère, plus agréable, qui permit aux deux jeunes femmes de réaliser qu'aussi différentes elles puissent être, elles n'avaient pas moins une passions commune : la musique. Mais avant que Jeanne ne puisse répondre à la proposition d'Ida, la voix enfantine de Jean - ou Jeannot, comme on l'appelait parfois pour le différencier de son oncle qui portait le même prénom - se fit entendre. C'était une voix faible, encore marqué par la maladie dont le jeune garçon avait souffert pendant plusieurs jours.

« Mère ? »

Sans accorder un seul regard à l'interlocutrice, la jolie brune s'empressa à rejoindre la couche de son fils aussi rapidement que son état le lui permettait.

« Je suis là, mon chéri. murmura-t-elle, avant de se pencher au dessus du malade pour l'embrasser tendrement sur le front, alors que ses doigts se resserrèrent délicatement autour de ses petites mains. Tout va bien. »

Avec tendresse, elle dégagea les cheveux qui s'étaient collé sur le front de son fils, avant de lui aider à se redresser un peu pour lui donner à boire. Ce n'était finalement que plusieurs minutes plus tard qu'elle finit par reporter son attention sur son interlocutrice. Assise sur le bord du lit, son fils blottit contre elle, un sourire heureux était dessiné sur ses lèvres, et pour la première fois depuis l'arrivée d'Ida dans la pièce, celui-ci n'était pas feint.

« Excusez mon inattention, je vous en prie. commença-t-elle. Elle avait été si soulagée de voir son fils se réveiller que durant plusieurs minutes, elle avait comme oublié la présence d'Ida. J’aimerais beaucoup revenir sur votre proposition, et vous écouter jouer. Possédez-vous votre propre instrument ? Et alors que ses doigts caressaient toujours avec tendresse le visage de son fils, la jolie brune se tourna vers la porte : Blanche ? A peine avait-elle appelé que la porte s’ouvrit, et la domestique entra dans la pièce. Le tout s’était passé si rapidement que Jeanne ne put s’empêcher de se demander si cette dernière n’avait pas tenté d’écouter leur conversation depuis le couloir. Mais seul un léger haussement de sourcils laissait deviner ce que la jeune comtesse pensait de cette attitude, alors que sa voix restait des plus neutres. Vas quérir une harpe pour Dame Ida, je t’en prie, et après tu pourras aider Alice et Marie à la cuisine. »

Quelques minutes plus tard, la servante réapparut, tenant dans la main l’instrument demandé, et le tenant à Ida. Il n’était pas difficile de deviner sur son visage que Blanche ne s’était certainement pas imaginé que l’entretien entre les deux jeunes femmes prendrait une telle tournure, mais elle se gardait bien de dire quoique ce soit, et disparut seulement quelques instants plus tard, fermant la porte derrière elle.

© Starseed

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