Cette missive vous paraîtra incongrue, mais elle est faite à la demande de votre mère qui souhaite donner de ses nouvelles à ses enfants. En tant que mère, j’ai accédé à sa supplique et me voilà donc la plume en main pour vous parler de votre mère. Je me présente tout d’abord, je suis Maud Chaworth, épouse de Henry de Lancastre et frère de Thomas de Lancastre, actuel comte de Leicester. Etant proche de sa majesté le roi Edward Ier d’Angleterre, notre famille a été choisie pour prendre en charge votre mère lors de sa captivité.
Lady Mary Fraser suite à sa capture a été conduite au château de Lancastre qui est ma présente demeure. Votre mère se portait bien, même si le voyage en chariot a été plus que rude suite aux mauvaises conditions climatiques. Elle loge actuellement dans l’une des tours du château, gardée par les hommes du comte de Lancastre et avec tous les égards qui lui sont dû. Ne croyez guère votre famille qui vous dira probablement que nous la maltraitons, ce n’est pas le cas. En tant que membre de la famille royale d’Ecosse, lady Fraser a le droit de recevoir un confesseur qui lui a été attitré et nous faisons en sorte qu’elle ait tout le confort possible au vu de sa situation. Sa santé est bonne, c’est tout ce que je puis vous dire.
Si vous le souhaitez, d’autres courriers vous seront adressés par moi-même concernant l’état de votre mère, sa majesté lui interdisant d’envoyer toute missive, je tâcherai de lui transmettre vos vœux si vous me les faites parvenir. Je ne peux également pas vous donnez d’informations quant à la durée de sa captivité, seule sa majesté Edward pourra accéder aux requêtes de votre famille. Nous les Lancastre sommes les simples serviteurs de sa majesté le roi d’Angleterre Edward Ier et nous nous désolons les premiers de cette situation plus qu’inconfortable pour votre famille.
Ne prenez pas ombrage de cette missive et j’espère vous avoir consolé avec ces quelques nouvelles de votre mère.
Je vous suis reconnaissante pour ces quelques nouvelles concernant ma très chère mère qui ont su me rassurer quant à ses conditions de captivité. L’attention que vous portez à son confort est appréciable, bien que cela reste une faible consolation quant à la perspective de son retour. En tant que mère, vous devez comprendre le poids que peut avoir son absence auprès de mes frères et de moi-même, aussi aurions-nous préféré recevoir des nouvelles de sa propre main pour ainsi avoir la preuve de sa bonne santé. Toutefois, si votre parole est la seule qui nous soit autorisée de recevoir, je n’ai d’autre choix que d’avoir confiance en ces écrits.
Vous n’êtes pas sans savoir l’animosité de mon oncle le roi Robert Ier d’Ecosse envers votre roi, ainsi que celle de mon clan qui ne peut désormais considérer votre famille autrement qu’en adversaire. Ma reconnaissance envers vous ne pourrait donc s’étendre à d’autres sentiments plus amicaux. Sachez que les membres de ma famille ne seront informés de ces courriers, car n’étant que trop peu raisonnables, la tristesse les envahissant. Peut-être ai-je tord, mais vous conviendrais avec moi qu’un homme perdant son épouse serait prêt à bien des folies, tout comme un homme perdant sa plus proche parente. Il me plairait néanmoins de continuer ces courriers afin de garder un contact avec Lady Fraser par votre biais, car nous n’avons d’autre moyen d’avoir des nouvelles de sa personne. Pourriez-vous lui transmettre notre amour et nos pensées ? Je la sais forte, mais savoir que nous allons bien ne pourrait que la rendre d’autant plus courageuse dans cette épreuve. Il me plairait de transmettre des informations plus intimes, mais je doute que cela n’ait à être lu par quiconque d’autre que la principale concernée.
Depuis votre dernière lettre, n’avez-vous aucune information concernant sa remise en liberté ? Ne m’en voulez pas de paraître ainsi dure, mais voyez en cette lettre les paroles d’une fille s’adressant aux geôliers de sa mère.
Le choix n’est guère celui de la femme, nous ne faisons qu’obéir aux lois de notre Seigneur et de nos maîtres. Même si je suis votre ennemie de par mon sang et mon pays, en tant que femme et mère, vous pouvez me faire confiance quant au bon traitement que reçoit dame votre mère. Nos nations sont des ennemis originelles, nous, nous n’avons pas d’autres choix que de suivre ce qu’on nous dicte et donc de nous détester.
Actuellement, votre mère se trouve sur nos terres dans le Lancaster et cela serait une bêtise de la part de votre oncle et de votre famille, de vous aventurer aussi loin sur nos terres. Nos guerres sont funestes et trop de vie ont été perdue pour l’orgueil de nos rois. Je respecte la sagesse de votre mère qui préfère ne point discuter de politique quand nous l’invitons à notre table. C’est une femme admirable, courageuse, qui supporte cette situation avec beaucoup de force. Toutefois, derrière la femme forte se cache toujours la mère et en lisant vos mots à son égard, elle n’a pu s’empêcher de laisser glisser quelques larmes et de vous redonner cet amour. Votre mère m’a longuement parlé de vous et de votre famille et à ce courrier elle m’a joint un petit mot à votre intention, personne n’est au courant et j’espère grandement que vous garderez le secret, pour le bien de tous et surtout celui de lady Fraser.
En ce qui concerne les négociations, mon beau-frère, le comte de Lancastre se trouvant actuellement à Londres avec mon époux, pour s’entretenir avec le roi, je n’ai point eu de nouvelles. A votre prochaine lettre, j’aurai peut-être de quoi agrémenter plus mon propos. Cependant, je peux vous assurer que votre mère vous sera restituée. Quand ? Seul Dieu le sait actuellement.
Depuis ma lettre précédente je craignais n'avoir aucune réponse de votre part. L'émotion ayant été plus forte que la raison, je sais mes propos plus virulent qu'ils n'auraient dus l'être. J'espère que vous n'en tiendrez pas rigueur, car aussi réconfortantes que vos lettres peuvent être, elles font naître en moi une profonde mélancolie. Je tenais néanmoins à vous remercier à nouveau pour ces nouvelles chaleureuses qui nous donnent espoirs de voir un jour revenir notre très chère mère. Mes frères se joignent à moi pour cette missive, eux comme moi savent que ces échangent doivent rester discrets, même s'ils sont moins conciliants à votre égard.
Je suis heureuse d'apprendre que mère a su restée digne ainsi que courageuse, comme elle l'a toujours été. Cette situation n'a été voulu par aucun de nous et encore moins d'elle qui ne fait que subir les conséquences de la guerre dans laquelle nous sommes. A mon tour j'aimerais lui faire parvenir quelques lignes ainsi que ce chardon séché que j'ai joins à ma lettre, afin qu'elle garde espoir et qu'elle sache que nous pensons toujours à elle. Ce n'est pas grande chose, mais je ne souhaitais pas risquer de perdre un objet de valeur en voulant lui transmettre. Les routes sont loin d'être sûres en des temps aussi difficile et une lettre provenant d'une famille aussi noble que la notre attirerait rapidement l'attention.
Je sais que m'écrire régulièrement n'est pas sans conséquence si l'on venait à l'apprendre. Aussi j'aimerais savoir si vous attendiez quelque chose en échange ? Un service en réclame un autre, mais il est vrai que j'ignore ce que je pourrais vous offrir et si je le peux réellement. Vous restez serviteur de votre roi et il est sans doute vrai que vous ne veillez pas sur Lady Fraser par choix...
Il n’y a point de rancœur dans mon cœur et je ne tiendrais jamais rigueur des propos qui ont été écrit par le chagrin. La perte d’un parent est la pire de toute, je sais ce que vous et vos frères peuvent ressentir face à cette situation pour le moins douloureuse. Je ne peux malheureusement pas apaiser vos tourments. Votre mère m’a chargé de vous dire qu’elle pensait à vous et à ses fils et que son courage est animé par la pensée de vous revoir tous un jour. Je ne peux toujours pas vous faire joindre de lettres écrites de sa main, mais ces mots je peux vous l’assurer son véridique. Hier j’ai eu le loisir de me promener dans les jardins en compagnie de votre mère, elle reste très silencieuse et parle seulement pour évoquer ses enfants, leur courage et leur bonté. Je peux vous l’assurer, on rencontre peu de mère aimant autant ses enfants que dame votre mère. Sa promenade lui a fait beaucoup de bien, elle a avoué regretter ses sorties dans la lande écossaise et le grand air. A son retour dans sa chambre, je lui ai fait la surprise de votre lettre, elle a été enchantée de lire vos mots et votre amour. En ce qui concerne le chardon, lady Fraser le garde auprès d’elle, se rappelant ainsi sa chère terre qui lui manque tant. Ce symbole vaut pour elle tout l’or du monde.
Dieu demande à tous d’aimer son prochain. Je serai une mauvaise servante si je devais réclamer en échange de cette correspondance quelque chose à votre encontre. Votre famille souffre assez de cette situation et je sais que notre souverain vous demandera déjà beaucoup pour la restitution de votre mère. Mes intentions sont honorables lady Fraser et je n’ai rien à demander si ce n’est de demander à votre famille d’accélérer les négociations pour le bien de tous.
Plusieurs mois ont passés depuis notre dernier échange et je regrette que ma réponse tarde tant à vous parvenir. La situation de crise dans laquelle notre royaume est plongée ne laisse que peu de temps pour les loisirs. Encore une fois je ne peux que vous remercier pour votre lettre. Ce que vous faites est honorable et je me sens redevable à vous et à votre famille de traiter ma mère comme son rang l'exige. Cette situation n'est agréable pour personne et je vous dois beaucoup pour la rendre plus supportable par de simples mots écrits.
Mon plus grand souhait serait de faire avancer les choses, pour que votre souverain le roi Edward Ier ait ce qu'il demande et que nous puissions ainsi retrouver notre parente. Ma voix n'est guère importante dans les négociations et j'en suis la première désolée. Que Dieu me protège de l'entêtement des Fraser. Leur fierté ne saurait être blessée en se soumettant aux volontés de votre roi, bien que cela joue sur le retour d'un membre de leur famille et de leur clan. Ma famille semble néanmoins prompt à concéder quelques prisonniers de guerre afin d'établir un échange.
J'ose espérer que rien de mal n'arrivera à ma mère en cas de désaccord entre nos deux Nations, elle n'est que l'otage d'un conflit dont elle ne tient pas les rênes. Il serait d'autant plus fâcheux que nos relations se détériorent en si bon chemin. Transmettez je vous prie mon indéfectible amour à ma mère.
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