Once upon a time...
Rien n’aurait pu destinée Odette à ce qu’elle côtoie le grand monde comme elle le fait aujourd’hui. Ce n’est en effet pas dans un château que le nourrisson qu’est Odette naît en aout 1290, cela en est même l’opposé. En effet, la petite fille naît dans une petite habitation de la ville de Beaumont-le-Roger. Sa mère, Jeanne, est une couturière et son père, Luc, s’occupe des fontaines dans les terres normandes, comme ses aïeuls avant lui et que leur nom rappelle cette tradition. La famille ne connaît guère l’opulence des vaisselles d’or et d’argent mais elle pouvait se vanter de connaître un bonheur familial certain pour leur enfant.
Néanmoins, Odette n’a jamais connu le bonheur d’une fratrie nombreuse. Cadette des enfants qu’ont eu ses parents, ses aînés sont pour la plupart mort tous avant sa naissance. Le dernier d’entre eux, Tristan, est mort quelques mois après la naissance d’Odette à l’âge de trois ans à cause d’un hiver trop rigoureux.
Chérissant ainsi par-dessus tout leur seul enfant survivant, les Desfontaines ont eu à cœur à rendre heureux leur enfant. En raison du manque d’argent qui les empêche de payer une nourrice pour garder leur fille, Odette a dû rester auprès de son père quand celui-ci travaillait, sa mère étant à cette époque bien trop sollicité pour pouvoir s’en occuper. Demeurer avec son père n’a jamais été une corvée pour la petite fille. En sillonnant les routes de Normandie en sa compagnie, Odette a pu jouer avec un grand nombre d’enfants qui sont devenus pour certains des amis, courir auprès du cheval de trait durant les voyages…
Cette période d’insouciance a pris fin quand Odette a eu sept ans. Estimant que sa fille est assez grande, sa mère Jeanne l’a gardé auprès d’elle afin de l’instruire convenablement. Il n’a pas été question de faire d’Odette une érudite accomplie, le savoir intellectuel n’occupe qu’une faible place dans son éducation. Ayant quelques rudiments de lecture, d’écriture et de calcul, l’instruction d’Odette s’est surtout concentrée sur la couture, les tâches ménagères et s’occuper des enfants pour qu’elle puisse rapidement être une bonne domestique. Elève consciencieuse et appliquée, Odette a assisté sa mère dans ses divers travaux jusqu’à ce qu’elle obtienne un travail dans une famille bourgeoise de Beaumont-le-Roger en 1306 pour s’occuper des enfants. Ce métier ne devait être à l’origine que temporaire pour la jeune adolescente : petite, Odette s’imaginait plus devenir couturière comme sa mère avant elle, à défaut de pouvoir s’occuper des fontaines comme son père le fait. Cependant, au contact des enfants, Odette s’est découvert un don et une vocation qui lui ont permis d’économiser un peu pour la dot de son futur mariage.
Ce mariage ressemble encore aujourd’hui à un conte de fée pour Odette. Célébré au printemps 1309 en compagnie des deux familles et de leurs amis, la jeune femme a rencontré son futur époux Jean Marelle un an auparavant alors qu’il était venu à la ville vendre une vache. Lui ayant servi de guide, le père d’Odette a accepté que Jean fasse la cour à sa fille une semaine après leur rencontre. Partie s’installer chez son mari à la campagne, Odette a connu la joie d’être rapidement enceinte et d’accoucher neuf mois après la noce d’un garçon bien portant nommé Jean.
Seulement, la vie heureuse de la jeune femme s’arrête brusquement trois mois plus tard. A cause de l’infection d’une blessure due à un accident agricole, son époux meurt dans le lit conjugal après avoir été longuement veillé par une Odette désemparée. Ne disposant que de peu de ressources pour vivre seule avec son fils, la veuve a décidé de retourner vivre auprès de ses parents. Malgré leur profond amour envers leur fille et leur petit-fils, les parents d’Odette se sont retrouvés dans une situation financière précaire et ils ont cherchés activement un emploi pour leur fille.
Ce travail a été trouvé par la mère d’Odette. La chance a voulu que la comtesse d’Evreux, Marguerite d’Artois, accouche peu après la veuve d’une fille nommée Jeanne en 1310. Parvenant à être présentée à la comtesse, la douceur d’Odette a convaincu la noble dame de confier la tâche de nourrice de lait de ses enfants à la jeune veuve.
Venant s’installer en septembre 1310 au château des Evreux pour s’acquitter de son nouvel emploi, Odette s’est prise d’affection pour la petite Jeanne avec qui son fils a joué sous sa tendre supervision. Pleine de compassion, la jeune veuve n’a pas hésité longtemps avant de donner un amour maternel aux enfants du comte d’Evreux quand ils perdent leur mère au début de l’année 1311, tout en ne délaissant pas son fils Jean.
Néanmoins, l’hiver rigoureux de 1312 brise à nouveau le bonheur d’Odette en emportant cette fois son fils au début du mois de décembre. Profondément meurtrie par cette perte, la peine de la jeune femme a été perceptible durant de très longues semaines. Se raccrochant à la vie en couvrant d’affection la jeune Jeanne qui a joué avec son fils, Odette a eu la joie de pouvoir rester auprès des enfants d’Evreux grâce à son dévouement envers eux en devenant leur gouvernante en septembre 1313. Fière d’avoir la confiance de Louis d’Evreux pour ces enfants, la jeune veuve ne ferait rien qu’il puisse trahir celle-ci. Toute dévouée aux enfants d’Evreux et à leur père, Odette supporte sans broncher, malgré son agacement, les multiples interventions de la mère du comte Marie de Brabant qui interfère souvent dans l’éducation des enfants.
Sa proximité avec la famille d’Evreux permet à Odette d’être informée en partie par les intrigues se jouant à la Cour de France. Néanmoins, en fidèle de la famille d’Evreux, la jeune veuve ne dira rien qu’il puisse compromettre le comte ou les enfants dont elle a la charge. Odette espère d’ailleurs que ces derniers parviendront un jour à supplanter les enfants du comte de Valois dont la rumeur qu’est parvenue aux oreilles de la gouvernante sont des plus irrespectueux…