Il y a ceux qui naissent du bon coté, et ceux qui devront se sacrifier tous les jours pour survivre. Je n’ai jamais eu à me demander ce que je mangerais le lendemain, puisque la table était toujours fournie. Encore moins, à me demander si j’allais avoir assez de sous pour me payer une nouvelle chemise confortable, puisque mes parents avaient assez d’argent pour ne pas travailler. Je suis né du bon coté, comme on dit. Mon père Jean V est le comte de Vendôme, mais aussi le seigneur de Castres, et ma mère Éléonore de Monfort, fille du Comte de Squillace, pour vous dire que je n’ai jamais manqué de rien. La famille possède deux grands domaines, l’un à Castres dans le sud de la France, tandis qu’il possède aussi un château à Vendôme. Petit dernier d’une fratrie de quatre, le seul dont j’ai été le plus proche fut Jean, mes deux sœurs ainées étant bien plus âgées que moi. D’après les archives familiales, il semblerait que je ne sois pas venue seul au monde, nous étions deux, mais ma sœur jumelle n’aurait pas survécu. Ma sœur Yolande décéda alors que je n’avais que quatorze ans, si cela fut un passage difficile pour le reste de ma famille, je fus le moins touché par cette mort – surtout que cette dernière fût mariée à l’âge de quatorze ans – j’avais l’âge de son second enfant.

J’ai vécu une enfance plutôt heureuse, dès mon plus jeune âge, je fus attiré par le maniement de l’épée. Il faut dire que mon père a combattu en Italie au côté de Charles II d'Anjou, roi de Naples, puis en Espagne pour soutenir la candidature de Charles de Valois au trône d'Aragon. A coté de cela, j’ai suivi l’enseignement de la lecture – d’après mère – cela me servirait. Mais j’étais du genre têtu et préférait les armes aux mots. Alors que j’atteignais mes quinze ans, mon père décida qu’il était temps de m’introduire à la cour du Roi Philippe Le Bel. J’étais fasciné par cet homme de pouvoir, à qui – rien ne semblait résister. Chaque fois, j’étais de plus en plus impatient de retourner à Paris, et de me confronter à ce monde.

Un jour, ma mère prit la décision de m’amener avec elle en Bretagne. Je n’étais pas dupe, j’avais vingt et un ans, et je n’avais toujours pas de promise… bien que ce n’est pas les prétendantes qui manquent ; mais j’avais bien autre chose en tête que de me marier. Je ne voulais pas décevoir mère, alors j’acceptais ce séjour chez sa cousine. Je fis la rencontre d’Alix et Jeanne, toute aussi jolie l’une que l’autre. Je ne peux pas dire que je suis tombé amoureux de l’une ou de l’autre, non, elles avaient toute deux leur caractère… mais je finis par créer des liens avec elles. A la fin de se séjour, je quittais les jeunes femmes sans savoir si un jour je les reverrais, mais malgré le fait que je ne voulais pas me marier… elles eurent le privilège de rester dans ma mémoire.

Les années s’écoulèrent, et je continuais ma vie entre les visites à la cour du Roi, mais aussi à Vendôme, puis à Castres, j’étais devenu quelqu’un – les gens commençaient à connaitre mon nom : Bouchard sixième du nom. D’ailleurs, ce fut lors de mes différentes visites que je fis la rencontre de ma cousine : Blanche de Savoie. Elle faisait partie de ma famille maternelle, que je ne guère connue ; mais cette rencontre fut un réel plaisir ! Seulement, un évènement tragique va venir perturber cette vie trépidante : le décès de mon père. Je n’avais que vingt cinq ans lorsque mon père décéda, me léguant ses titres, puis l’année suivant, le Roi Philippe Le Bel décéda à son tour. J’étais devenu le comte de Vendôme et Seigneur de Castres, et je fus mis face au conflit. Mon cher voisin, Guy Ier de Blois-Châtillon, le comte de Blois chercha querelle. Nos deux contrées ont toujours été ennemies, et ce comte était bel et bien décidé à se servir de la mort de mon père pour récupérer nos terres ! Mais je ne laisserais jamais cet homme voler notre héritage !

Aujourd’hui, la route est encore longue ! Ce combat contre le comte de Blois n’est toujours pas enterré, et ma mère se fait de plus en plus pressante lorsqu’il s’agit de me marier. Un homme de mon rang devrait déjà avoir une épouse et une descendance… d’ailleurs, j’ai revu à plusieurs reprises mes cousines éloignées de Bretagne – nous rapprochant toujours un peu plus.