Le comte de Joigny, mes amis. Ridicule, pitoyable, pathétique, petit, insignifiant étaient les adjectifs qui pouvaient qualifiant un tel endroit aux oreilles d’un membre de la famille de Valois.
Je maudissais Mahaut de Chatillon de toute mon âme. Cette catin. Toujours à se pavaner dans ces nouvelles robes et ses nouveaux bijoux. Occupée à dilapider la fortune des Valois. A réserver les meilleurs mariages pour ses enfants. A convaincre mon père, alors que j’étais à peine rentré au près de ma si charmante famille, de m’éloigner de nouveaux en me mariant. Je n’avais pas envie de me marier. Pas du tout. Et encore moins de me marier avec la comtesse de Joigny.
Je me souvenais encore du petit regard satisfait de Mahaut de Chatillon lorsque j’avais quitté la pièce après avoir discuté avec mon père qui avait pris sa décision sans me consulter et me l’avait annoncé soudainement sans que je ne m’y attende le moins du monde.
« Est-ce une plaisanterie ? Jeanne est devenue comtesse de Hainaut, et qu’avez-vous choisi pour moi ? Joigny ?! Cette famille n’a aucune influence ! Je suis un Valois, père. Je suis votre fils. Je mérite un meilleur titre, en tant que Valois. Je refuse d’épouser cette femme. » « Je ne t’ai pas demandé ta permission, Charles. Tu es mon fils, en effet, et tu épouseras la comtesse de Joigny, que cela te plaise ou non. », avait dit mon père. « C’est elle n’est ce pas ? Je sais qu’elle est derrière tout ça. Je suis votre fils, vous ne pouvez me faire épouser une femme ayant un titre aussi insignifiant. », avais je répliqué. « Tu épouseras la comtesse de Joigny que cela te plaise ou non ! » Cette fois, il avait crié. Et il ne criait pas souvent. Il n’en avait pas besoin. Le calme suffisait à imposer son autorité. Mais là, c’était l’exception. Exception de ma part également, car je ne discutais pas souvent les ordres de mon paternel, quand bien même je n’étais pas de son avis. Personne ne le faisait. Je l’admirais pour cela. Et je le détestais pour le reste. « Et ne discutes pas. »
La route n’avait pas été très longue, jusqu’à Joigny. Une fois arrivés, mon père avait été guidé aux appartements qui lui était attribués avec son épouse et moi au mien. J’avais ainsi eu le temps de changer de vêtement, une fois les bagages débarqués, et de me rafraichir avant ma rencontre avec ma dame. Je n’avais plus discuté depuis la dernière fois, mais je m’étais tout de même permis de lui lancer un regard en voyant à quoi ressemblait la demeure des Joigny comparée à nos demeures à nous. Je le détestais pour cela. Et je trouvais cela ridicule. La famille Valois en route pour Joigny ! Absurde. Mahaut était là bien évidemment, elle qui avait tout manigancé. Elle ne s’était pas déplacé pour faire honneur à la famille, mais uniquement pour me lancer ses petits regards satisfaits et pour exhiber ses bijoux de sorte à creuser encore plus le fossé entre l’influence et la richesse de la famille Valois et celle de Joigny. J’allais être comte de Joigny, mais que cela sonnait mal…Et encore, je ne le deviendrais même pas tout de suite, avec le père de ma future épouse toujours vivant. Il y aurait aussi Jeanne, la comtesse de Hainaut, de Zélande, de Hollande qui ne tarderait pas à arriver afin de soutenir son frère, le futur comte de Joigny. Je la maudissais, elle et ses titres. J’ignorais si ma sœur Marguerite, cette petite folle, se déplacerait pour l’occasion. Elle aurait du mal à trouver un prétexte pour ne pas venir, mais elle essaierait sans doute de ne jamais se retrouver seule en ma présence, elle qui avait tant peur de moi. Sans oublier mon frère Philippe. Un grand avenir lui était promis. J’allais devoir me promettre le mien tout seul. Mes connaissances en matière de guerre pourrait me permettre de devenir un grand général. Je pourrais encore aussi, manigancer l’un ou l’autre complot pour gagner titre et influence. Mais pour l’heure, je devais rencontrer ma promise. Était elle conscience de la chance qu’elle avait ? Epouser un Valois, jeune et fort, beau de surcroit. Elle avait intérêt à être belle. Sans quoi elle ne ferait pas long feu avec moi. Après tout, quelle était la seule utilité des femmes ? Le sexe.
J’étais curieux à l’idée de voir à quoi elle ressemblait, mais encore plus à l’idée de voir comment elle me regarderait. J’avais des projets pour Jeanne de Joigny. On l’avait choisie pour devenir ma femme. Et bien, elle le deviendrait…Je la façonnerais à cette image. Mais pour l’heure…Qui étais je ? Charles II de Valois, le très charmant fils de Charles De Valois, un beau et aimable jeune garçon que tous apprécie. Un gentleman, mes amis.
Nous étions attendus dans la pièce principale. Pas de hérauts pour m’annoncer. Pas de décorations luxueuses. Pitoyable. Je méprisais déjà cet endroit et tout ce qui y vivait. Maudits soient ils tous. Mais ça, ils ne devaient pas le savoir tout de suite. Ca gâcherait la surprise. Joigny serait un piètre royaume pour exercer mon autorité, mais ça serait le mien. Et ils le comprendraient un jour aux prix fort, si cela était nécessaire.
Je la remarquais alors. Au côté de son père et de sa mère, l’unique héritière de Joigny se tenait au centre de la pièce pour m’accueillir.
J’avançais d’un pas sur, mais sans être trop rapide, et une fois que mon père et moi furent assez proche, on me présenta enfin à elle.
« Ma fille, Jeanne de Joigny. », dit le père. Je remarquais quelque chose de dur dans son regard. Il le cachait mal. Il aurait du suivre des leçons avec moi pour paraitre plus aimable. Je lui aurais bien enseigné cela. Mais, il n’en avait plus pour longtemps. Je n’allais pas attendre éternellement mon piteux titre.
J’adressais à sa fille mon plus beau sourire. Elle était belle, au moins. Même très belle. L’acte sexuel serait agréable, au moins. Et elle avait l’air ravie de voir à quoi je ressemblais. C’était, il faut bien le dire, une bénédiction pour elle d’être tombée sur moi. Elle aurait du être promise à un vieux noble dégoutant ou un homme plus jeune mais second fils d’un titre minable…Moi, j’étais un Valois. Ce mariage était une bénédiction pour elle et une malédiction pour moi. Elle était surement toute impatiente à l’idée de m’épouser et également, de passer sa nuit de noce en ma compagnie. Ne le cachons pas, je suis très beau. Héritage familial, que voulez vous. Nous aurons de beaux enfants, à nous deux. J’espérais cela dit, qu’elle ne me donnerait guère qu’une seule fille, comme sa mère l’avait fait. Elle avait l’air en bonne santé, mais tout de même l’héritage génétique m’effrayait un peu…Qu’elle me donne des fils, ou j’en serais fort fâché…Et personne ne voulait cela. Mon père guettait ma réaction, je m’en doutais bien. Je lui pris la main et l’amenait près de mes lèvres qui la touchèrent à peine.
« Enchanté, ma dame. », lui dis je.
Je vis mon père sourire légèrement.
« Charles, le comte de Joigny et moi-même avons quelque dernière formalités à régler au sujet du mariage. Peut-être pourrais tu rester en compagnie de ta future épouse pendant que nous discutions ? »
Bien sur. J’étais exclu des négociations de mon propre mariage, comme un enfant qui ne serait guère en âge d’en comprendre les enjeux. Moi qui avait suivit à la perfection mon éducation militaire. Moi qui avait déjà dix sept ans. Encore un affront de plus, je ne les comptais plus. Qu’ils discutent de la dot et du reste à deux, dans ce cas. De toute façon, ce mariage était déjà des plus absurde. Ma seule impatience concernant cette alliance était de mettre l’héritière de cette ridicule parcelle de terre dans mon lit et de m’amuser avec elle. Cela demeurerait ma seule jouissance. Le titre et tout le reste étaient ridicule et terriblement décevant.
« Certes. Y a-t-il des jardins à me faire visiter, ma dame ? », demandais-je à la dame de Joigny. Et oui, je posais d’abord la question de savoir s’il y en avait. Un petit impair directement adressé à mon père et à celui de la dame. Histoire de leur montrer que je n’étais pas aveugle et que ce domaine était ridicule. Les hommes comprendraient l'affront, pas la femme. Qu'allait elle me raconter de futile, celle là ?
Dernière édition par Charles II de Valois le Mar 21 Juil - 20:29, édité 2 fois
Jeanne se couchait avec un immense sourire aux lèvres. Une servante venait de l’aider à passer son linge pour la nuit et elles parlaient, comme souvent. « Vous pensez à ce jeune bellâtre dont vous a parler la magnifique Mahaut de Châtillon, n’est-ce pas ? ». La jouvencelle gloussa et rougit, plaidant coupable. « N’est-ce pas chose fantastique, Mariotte ? » Les yeux plein d’étoiles, elle la laissa tirer sur le tissus lourd de sa robe. « Oh, je suis vraiment ravie pour vous, Jeanne, même si je crains le jour où vous quitterez Joigny. » Mariotte était une femme qui n’aimait pas la solitude et qui avant de servir Jeanne, servait la comtesse de Joigny. Difficile dans ces conditions de lui faire totalement confiance. Entrant dans sa couche, Jeanne s’installa et s’enroula dans sa couverture. La servante la quitta, lui souhaitant de passer une bonne nuit. A peine fut-elle partit que la jeune fille se redressa dans son lit et fila près de la fenêtre. Dans cette nuit si effrayante, elle devinait la forme des arbres si connus le jour. Sa libération approchait. Si ce Charles II De Valois était vraiment comme Mahaut l’avait décrit, alors son bonheur arriverait enfin ! Surexcitée par cette éventualité, elle se morigéna, se rappelant les mots de sa mère : « Jeanne, rappelez-vous bien que rien n’est assuré pour le moment. Mahaut De Châtillon n’a fait qu’émettre une hypothèse, il reste à convaincre votre père, Comte de Joigny mais également Charles de Valois, le père de ce second fils. » Bien sûr. Jeanne le savait fort bien. Hochant la tête, elles mesuraient pourtant toutes les deux pleinement combien cette alliance aiderait leur famille.
Mais il ne devait pas voir combien ce mariage la rendait heureuse. Sa vie ne pourrait être pire que maintenant, elle qui était persuadée qu’il la marierait avec un vieil homme repoussant, abusant de sa jeunesse sans remords. Mahaut de Châtillon était une Sainte, sa sauveuse et Jeanne lui en serait éternellement reconnaissante. Quoiqu’elle aurait quelques doutes, probablement, au début de leur relation maritale. Elle ne parvint à trouver le sommeil que tard dans la nuit.
Les jours suivants, Jeanne se montra particulièrement avide vis à vis de son éducation. Jusque là, elle n’avait eu droit qu’au strict minimum mais sa mère, mesurant bien que les Valois attendaient un certain niveau de connaissances, prit les choses en main. Si la blonde avait l’habitude de fuir et de raser les murs, elle s’enferma alors dans sa chambre, apprenant très sérieusement tout ce qu’elle n’avait pas eu le droit de toucher, et surtout la gestion d’un domaine. Ecoutant sa mère avec attention, elle retenait chaque leçon avec ardeur. Comment contrôler le travail des serviteurs, comment s’assurer que les réserves de nourriture étaient suffisantes, comment superviser la qualité des produits fabriqués sur leur comté, tout était passé à la loupe. Tisser, broder, chanter, défendre le domaine... Bien qu’elle ait bien entendu eut l’occasion d’aborder de temps à autre toutes ces choses qui faisaient une éducation, cette fois ci elle devait le faire bien.
Les tractations entre le Comte de Joigny et Charles de Valois furent tendues. Du moins, c’était ce que Jeanne comprenait lorsqu’elle entendait son père hurler en recevant une missive. « Mais pour qui se prend ce Charles de Valois pour réclamer la main de ma fille pour son second fils ? C’est une humiliation aussi vive que si je la donnais à un fermier du comté ! » Sa voix résonnait et traversait les épais murs du château qu’ils habitaient. Ce n’était pas digne des Valois pour sûr, mais un beau château provincial. Disons qu’il avait sa place, voilà tout. Tremblante, Jeanne sentit son coeur se serrer en entendant les cris de sa mère. « Cette démone, cette blonde au teint diaphane réussit à séduire les Valois sans même bouger d’ici ! C’est une créature diabolique que tu as enfanté ! » Ne voulant plus entendre aucun de ces mots, Jeanne rasa le mur et sortit dans la cour, puis alla se réfugier dans un endroit calme. Observant son reflet dans l’eau, elle se trouva laide. Une créature du diable ? Personne ici ne la regardait, tous craignait trop le Comte. Il pouvait bien se montrer les pires des pères, il était hors de question que la virginité de sa fille soit prise sans son consentement. Le jour où elle avait perdu du sang, il avait encore invectiver sa fille de lui donner plus de soucis encore. Car à présent, il fallait la protéger des hommes. Et ceux qui la regardaient étaient prévenus : seule la mort les attendait.
Il était tyrannique. Et Jeanne en avait conclu que, puisque personne, pas même les servantes ne lui répondaient, qu’elle était certainement très laide. Pourtant, elle correspondait aux canons de l’époque même s’il y avait encore plus jolie qu’elle. Et si elle oubliait tous ces bleus qui lui couvraient le corps.
Il fallut plusieurs semaines pour que le Comte de Joigny donne une réponse positive. S’il avait continué de faire vivre un enfer à sa maison, il ne faisait nulle doute qu’il savait surtout faire le profit d’une affaire juteuse. Par le fils, il pourrait s’enrichir sur le dos du père. Et il avait obtenu que Charles de Valois reste à Joigny, ainsi il pourrait continuer à régner sur son monde en maître absolu. Et quand sa future comtesse apprit que l’affaire était faite, son coeur se gonfla de joie et d’espoir.
Le jour de la rencontre...
Levée aux aurores, Jeanne enfila aidée de Mariotte sa plus belle robe. Son père avait accepté de payer plus cher, simplement pour s’assurer qu’il pourrait rivaliser un tant soit peu avec les Valois. Vaine idée mais personne ne le contraria, d’autant plus que Jeanne trouvait ce vêtement magnifique ! Et son promis... Elle l’imaginait de diverses façons depuis des semaines mais qu’elle avait hâte de pouvoir enfin détailler son visage ! Mais, dans une maison où l’austérité régnait, aucune fioriture superflue ne fut visible. Une fois coiffée, elle rejoignit ses parents. Couinant alors son père lui serrait le bras, vociférant encore que si jamais elle mettait ce mariage en péril, il n’hésiterait pas à la tuer, Jeanne recula. Clairement, elle se tenait prête à fuir. Fuir ce père. Jusqu’à ce que les Valois ne soient annoncés.
Il y avait Mahaut, Charles et son fils. Intimidée, Jeanne restait plutôt en retrait, tête basse. Jusqu’à ce que la curiosité ne l’emporte et qu’au premier son de voix, elle ne le cherche des yeux. Et il était face à elle. S’inclinant prestement mais avec grâce, Jeanne le vit sourire en relevant la tête et ce fut... A la hauteur de ce que lui avait décris Mahaut. Ravie et rassurée, elle répondit franchement à son sourire mais restait craintive dans son comportement. Dès que son père se rapprochait, elle était prête à faire un écart. Ne pensant absolument pas à sa nuit de noces, la seule pensée qui l’animait était la libération. Sauf si... Sauf si son père ne parvenait à l’embrigader. Elle déglutit, n’ayant jusque là pas envisager cette possibilité. Tendant sa main, elle frissonna lorsque Charles II De Valois s’en saisit et l’effleura. Si charmant ! Son coeur fondait comme neige au soleil, il ne faisait aucun doute que la future comtesse était charmée. « Je suis ravie de vous rencontrer également. Mahaut de Châtillon ne pouvait pas être plus proche de la vérité lorsqu’elle vous a décrit à ma mère, Agnès de Brienne ». Lui qui lui tenait la main allait probablement sentir le tressaillement qui l’agita lorsque les deux pères reprirent leur conversation. Un réflexe. Un simple réflexe qui pourtant laissait entrevoir la terrible vérité. A sa question, Jeanne se détendit et sourit. « Des jardins ? Non Monseigneur, mais je puis vous faire visiter la forêt giboyeuse en cette époque de l’année. Je suis certaine que vous appréciez la chasse comme tout bon seigneur se le doit et que cette distraction vous offrira un agréable moment ».
Charles aurait tout le temps de transformer le comté à son goût une fois marié. Comprenant bien le gouffre qui séparait leur monde, Jeanne avait offert là un droit que son père ne pourrait contester. C’était tout de même un honneur de pouvoir chasser sur les terres d’un autre et surtout une activité que les hommes adoraient. « Est-ce que cette visite vous conviendrait ? » L’observant avec une forme d’inquiétude, le Comte de Joigny ne sembla pas vraiment apprécier cette invitation faite par sa fille mais il ne pouvait pas non plus la contredire. Il fallait qu’il s’y fasse : Charles II De Valois aurait bien le droit de chasser son gibier. Soit. « Nos forêts sont particulièrement prolifique, et peut-être parviendrait vous à tuer ce cerf immense qui l’habite depuis vingt ans. Je n’y suis jamais parvenu et pourtant j’excelle dans cet art qu’est la chasse. ». Un défi ? Il n’en faudrait certainement pas plus pour convaincre le fils de partir à l’aventure dans les bois plutôt que dans des jardins qui n’existaient pas.
Dernière édition par Jeanne De Joigny le Mar 14 Juil - 8:42, édité 1 fois
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La fille du comte de Joigny paraissait charmée. Cela ne m’étonnait pas. J’étais un homme des plus charmants, après tout.
« Je suis ravie de vous rencontrez également. Mahaut de Châtillon ne pouvait pas être plus proche de la vérité lorsqu’elle vous a décrit à ma mère, Agnès de Brienne », lui dit-elle. Mahaut de Chatillon. Cette catin. Rien qu’à l’énonciation de son nom, une soudaine envie de meurtre me traversait. Que je la haïssais. Contrairement à mon frère et à ma folle de sœur, je n’étais pas aveugle. Mahaut de Chatillon était une femme manipulatrice, ce qui avait visiblement séduit mon père, et elle n’avait qu’une idée en tête, placer ses enfants en tête de ligne. Philippe prenait pourtant sa défense constamment, réfléchissant avec son entrejambe plutôt qu’avec sa tête, et je ne pouvais donc confier ma haine à son sujet qu’à moi-même. Ma sœur Jeanne ne l’aimait pas beaucoup non plus, je le savais, mais étant donné que je n’aimais moi-même pas beaucoup la comtesse de Hainaut et d’autres provinces nordiques, foutu titre nom mérité, je n’allais pas perdre mon temps à lui confier mes peines. Elle s’en moquait, de toute évidence. Et, oh comme elle se moquerait de moi quand je serais devenu comte de Joigny. Moi qui aspirais à tellement mieux…
Je devinais aisément ce que Mahaut de Chatillon avait pu dire sur moi. Exactement l’inverse de ce que j’étais. Que Jeanne de Joigny ne la vénère pas trop. Je ne tolérerais pas que ma femme admire une catin comme Mahaut de Chatillon. Je ne le tolérerais.
Mais pour l’instant, Jeanne n’était pas encore ma femme. Patience. D’ailleurs, je n’étais pas vraiment impatient à l’idée d’hériter d’un si pitoyable titre de noblesse.
« Des jardins ? Non Monseigneur, mais je puis vous faire visiter la forêt giboyeuse en cette époque de l’année. Je suis certaine que vous appréciez la chasse comme tout bon seigneur se le doit et que cette distraction vous offrira un agréable moment ».
La chasse ? Et comment ! J’adorais tuer et j’excellais dans le maniement des arcs et de toutes les autres armes. Mon précepteur en matière militaire me l’avais bien dit à nombreuses reprises. Je ferais un parfait général. J’étais le fils qu’il avait toujours rêvé d’avoir. Impitoyable, stratège, fort, doué. Mais je n’étais pas son fils, fort heureusement. Je préférais quand même être un Valois que le fils d’un homme sans titre.
« La chasse est un loisir que j’affectionne tout particulièrement, en effet. », répondis je.
« Nos forêts sont particulièrement prolifique, et peut-être parviendrait vous à tuer ce cerf immense qui l’habite depuis vingt ans. Je n’y suis jamais parvenu et pourtant j’excelle dans cet art qu’est la chasse. ».
« Si vous n’y êtes pas parvenu, c’est que vous n’excellais guère », pensais je. Idiot. Je souriais cependant.
« Je prends cela comme un défi. », dis je.
Je tendis alors le bras à sa fille pour qu’elle puisse s’y appuyer.
« Ma dame. »
Je ne tarderais pas à le lui tuer, son cerf. J’avais déjà tué plus costaud que cela.
Jeanne ne comprendrait certainement pas cette haine envers Mahaut, du moins pas tout de suite. Elle la pensait juste magnifique et elle l’enviait beaucoup d’avoir une telle aisance pour parler et se faire des amis, contrairement à elle. Il fallait dire qu’à force de rester à Joigny, sauf quelques rares excursions, elle n’avait pas vraiment l’habitude de rencontrer des pairs et se trouvait un peu maladroite lorsqu’il s’agissait d’entrer dans des jeux d’apparats. Elle en connaissait les rudiments, suffisamment pour ne pas paraître grossière ou inculte. Pourquoi Charles de Valois se laissait-il manipuler et suivait les idées de sa femme ? Jeanne ne le saisirait pas, surtout une fois que son fils lui aurait expliqué les dessous de l’affaire. S’il le faisait un jour. Une chose était certaine, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi les Valois étaient venus la chercher, elle qui n’avait aucune valeur. Son père n’était pas réputé non plus pour être amical bien qu’il entretenait quelques relations. Alors pourquoi les Valois avaient-ils vu un intérêt en elle ? Elle, créature insignifiante ?
En attendant, elle dévisageait le jeune homme qu’on lui avait promis. Et constatait avec grande joie qu’il était en tout point ce qu’on lui avait dit. Mais, il ne fallait pas que son père remarque à quel point elle était subjuguée, il serait capable de les renvoyer fissa vers Paris ou bien dans leur château, trouvant une piètre excuse pour ne pas la marier ou la voir heureuse. Alors, elle se reprit. Elle restait souriante, bien sûr, mais en retrait. Sursautant à chaque fois que son père avait un mouvement, surtout si elle le considérait un peu brusque. Allait-il oser la frapper en public ? Oh elle l’en savait capable. D’ailleurs, elle avait continué à raser les murs les jours précédents pour être certaine de n’avoir aucune marque sur le visage. Il était vraiment d’un tempérament ombrageux ces derniers temps et Jeanne ne savait plus vraiment comment survivre. Jusqu’à l’arrivée des Valois. Aujourd’hui, un nouvel avenir s’offrait à elle et elle ne pouvait plus laisser passer sa chance.
Charles II De Valois vint la saluer et elle lui répondit, affable. Jusqu’à ce qu’il ne parle de jardins. Les jardins n’étaient pas vraiment en vogue, pas encore. Seule une famille aussi aisée que les Valois pouvait prétendre en avoir un. Sentant le fossé entre leurs deux familles et surtout à quel point leur comté était pauvre, Jeanne ne pouvait pour autant pas se laisser humilier. Parce que, même si le fils ne voulait pas les blesser, il risquait bien de le faire. Secouant la tête, elle s’excusa et lui offrit le seul atout de Joigny : ses forêts pleine de cerfs, biches, sangliers... Et quelques légendes locales, bien entendu. Se risquant à lui proposer la chasse, un art généralement apprécié des hommes, elle savait également que certains préféraient d’autres choses comme la lecture ou l’astronomie. L’observant et espérant avoir éveillé son intérêt, elle soupira presque de soulagement quand il annonça aimer la chasse. Dieu merci, elle n’avait fait que marquer quelques misérables points. Mais que pensait-il d’elle ?
Son père prit la parole et la jeune femme ne put s’empêcher de sursauter. A nouveau. Et frissonna quand Charles II annonça accepter le défi. Elle se tendit et leva la tête vers son père qui venait de se raidir. Le gamin osait vraiment le défier, lui, le maître des lieux ? Il prit pourtant sur lui et poussa le vice jusqu’à s’incliner. « Je suis certain que si vous êtes un prodige de la chasse vous y parviendrez. » Jeanne remarqua alors seulement que son promis lui offrait son bras. Rougissant légèrement, elle le saisit avec une certaine hésitation. Etait-ce convenable ? Si un Valois se le permettait, très probablement. Elle assura donc sa prise qui restait tout en légèreté. Esquissant un sourire, elle baissa la tête, répondant ainsi poliment. « Mon Seigneur », lui répondit-elle. « Je vais vous conduire là où il a été aperçu la dernière fois. »
Elle le fit sortir de la salle et le mena dans la cours, là où les serviteurs s’activaient en tout sens. Elle en somma un de préparer les chevaux. Son père était parti discuter mais bien sûr, on ne les laisserait pas aller sans chaperon. Ainsi, un homme les rejoignit, le second de son père. Jeanne ne dit rien, sachant bien que tout ceci ne visait qu’à la protéger. Enfin surtout à protéger l’honneur de sa famille car elle savait bien que son père ne lui portait aucun amour.
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Au premier rang, je pouvais voir mon père et sa femme, mes sœurs et leur maris et finalement les enfants de ma belle-mère, ceux qu’elle espérait voir prendre ma place dans la succession de la famille Valois.
J’étais un bel homme qui en avait pleinement conscience et qui savait également que les autres le savaient. Jeanne me trouvait beau, nul doute à se faire là-dessus, et la pauvre fille était sans doute déjà éprise de moi.
La journée de mon mariage avait mal commencé. D’abord par les regards satisfait et heureux de Mahaut de Chatillon, ensuite par les remarques hautaines de ma sœur Jeanne qui me surpasserait donc en titre moi qui pourtant était un homme et non une créature inutile de son acabit et finalement par la simple perspective de devenir le maître d’un lieu si peu attrayant.
Je m’étais montré d’une humeur exécrable ce matin là. J’aurais presque pu tuer un serviteur tant il m’était difficile de contenir ma haine face à l’injustice dont j’étais victime. Le fait était que je ne savais même pas pourquoi j’étais encore là. J’étais Charles II de Valois. Le fils de l’homme le plus puissant de ce pays. J’avais été le meilleur élève du meilleur précepteur de France en matière de guerre, d’art de combat, de stratégie militaire. J’allais sans doute devenir le plus grand général que la France aie connu. Et personne ne me voyait à ma juste valeur.
Pourquoi est ce que mon père se laissait il si facilement séduire par sa catin de femme ? Pourquoi rentrait il dans son jeu ? Préférait il lui aussi son nouveau fils d’à peine trois ans, qui n’avait encore rien prouvé à personne, qui était sans doute un piètre leader et piètre combattant, à moi ? Moi qui lui avait tant de fois montré à quel point je lui ressemblais, à quel point je méritais un minimum de fierté, de reconnaissance ?
Ce matin là, l’envie me prit de ruiner les plans de mon père, de les envoyer au diable tous en plein milieu de la cérémonie. Parfois, j’en avais plus qu’envie ; trahir mon camp, ce camp qui lui-même me trahissait. M’en allait soutenir une autre famille, ou là, je serais apprécié à ma juste valeur. Ou même, encore mieux, faire mon propre chemin tout seul. Devenir général et les envoyer tous au diable.
Alors que j’attendais ma future épouse à l’intérieur de l’église, j’observais Mahaut de Chatillon et son sourire satisfait, vêtue comme si elle était une reine et non une catin, sans doute pour mieux marquer le contraste entre sa tenue et celle de la famille de Joigny, pour déjà voler la vedette à ma femme, pour exposer sa richesse opulente, ou plutôt celle de mon père, en comparaison avec celle de ma nouvelle famille par alliance.
J’imaginais la scène. Me ruer sur elle et l’attraper, là, maintenant. L’étrangler de toutes mes forces et voir son visage devenir si laid alors qu’elle luttait pour survivre tel un misérable rat, là, entre mes mains dans ce lieu sacré. Oh comme ce serait beau.
Cela dit, cela ne resterait qu’une rêverie passagère. L’envie y était, mais je ne le pouvais. Malgré la haine que je ressentais parfois pour ma famille, mes sentiments envers mon père voguaient entre haine et admiration, entre envie de me venger de son indifférence et envie de montrer davantage d’effort pour enfin susciter son admiration. Et puis, si je quittais mon camp (ou accessoirement que je tuais la Châtillon ) et ma famille, j’y perdrais beaucoup. Le nom Valois était parmi les plus puissant de France. Le porter demeurait à un avantage. Même si on était contraint, très injustement, d’épouser l’héritière de ce ridicule comté de Joigny.
Ma future épouse apparut alors que les portes s’ouvrirent, au bras de son père. Et alors que je la regardais s’avancer vers moi dans sa robe d’un blanc immaculé, (qui lui allait bien, je devais l’avouer, mais qui n’était pas dans mes préférences vestimentaires. Je préférais les femmes nues que les femmes en robes de mariée, trop puritaine à mon gout), et que je lui adressais un léger sourire qui correspondait à l'image que je donnais de moi et qui s'éloigner grandement de ce que j'étais vraiment, mes pensées meurtrières ne se lissait guère sur mon visage et je tâchais d’ignorer royalement l’expression désagréablement heureuse de ma belle-mère la catin de Châtillon...
Alors qu’une servante l’aidait à s’habiller pour la cérémonie, Jeanne repensait à cette journée où ils s’étaient rencontrés pour la première fois. L’enjeu pour elle était si important : il fallait plaire à son futur mari. Heureusement, Jeanne était une personne humble qui s’était bien gardée de faire une erreur qui aurait pu soulever la défiance des Valois à son égard. L’on ne pouvait pas en dire autant de son père, mais ce n’était pas lui qui était jugé alors. Elle se remémorait chaque moment qu’ils avaient passé ensemble, et tout particulièrement Lorsqu’ils revinrent, les deux seigneurs avaient terminé leur discussion et il y eut une concertation pour le clan Valois. Les fiançailles pourraient ne pas se faire si jamais elle ne lui plaisait pas. La peur d’être rejetée, elle s’en souvenait parfaitement. Cette peur était même assez semblable à celle qu’elle éprouvait alors : tant de choses allaient changer et l’inquiétaient. Comment les choses se passeraient avec lui ? Serait-elle enfin sortie de son enfer ? C’était tout ce qu’elle demandait, quitter Joigny.
Alors que Charles II était d’humeur exécrable, Jeanne pour sa part resplendissait. Enfin, elle sortirait du joug de son père et une certaine impatience se mêlait à ses inquiétudes. Etre fidèle, ne pas contredire son seigneur... Tant de règles apprises auprès de sa mère. Tant de choses à se souvenir qui parfois, à ses yeux, n’avaient pas grandes valeurs. Cependant, elle se pliait à tous les codes. Encore dans son bain fait d’un baquet de bois (il ne fallait pas attendre d’avoir des bains chauffés à Joigny, le comté n’était pas assez riche pour avoir ce luxe), le tissus posé pour lui éviter les échardes se refroidissait. La servante vint lui verser de l’eau chaude, parfumée à la camomille. Jeanne essaya de se détendre mais en vain. « Voici de quoi vous désaltérer ». Tournant la tête, elle attrapa le verre et reconnut l’odeur du vin. Elle y trempa juste les lèvres. « Je t’en remercie ». Elle lui rendit le verre et une fois lavée, elle sortit et se laissa enrouler dans le draps.
La robe était blanche, brodée d’argent et de perles. Il s’agissait de sa plus belle robe, puisqu’il n’y avait pas encore de code spécifique concernant les couleurs, aux yeux des Valois ce serait probablement le signe de pauvreté. Cependant, Jeanne ne pouvait mettre à nouveau la robe qu’elle portait à leur rencontre. Mais alors qu’elle l’enfilait, Elle ne l’avait pas cousue, comme la coutume le préconisait. Observant le vêtement, elle l’enfila. Il ne restait plus qu’à arranger ses cheveux. Une fois prête, son père vint la chercher et la mena jusqu’à l’autel.
La jeune femme remarqua immédiatement la tenue de Mahaut de Châtillon. Elle avait toujours ce port de tête impérial qui l’impressionnait tant. Comme cette femme était belle ! Elle lui devant tant ! Lui adressant un léger signe de tête, elle reporta son attention sur l’homme avec lequel elle allait lier son destin. Son sourire la rassura et elle lui répondit modestement. Seuls ses yeux plein d’étoiles trahissaient effectivement ses sentiments naissants. Loin de se douter des pensées de Charles qui ne se concentraient sur une autre femme, Jeanne attendait de pouvoir prononcer ses voeux. Mais le prêtre s‘engagea dans un exposé en bonne et dûe forme des engagements qu’ils prenaient l’un envers l’autres et dans des bénédictions à n’en plus finir. Bien sûr, elle se montrait respectueuse même si l’Eglise n’avait pas encore les pleins pouvoirs sur la vie de ses fidèles. L’on croyait, mais l’on n’était que rarement prompte à suivre chaque règle, surtout celles concernant l’intimité. Le puritanisme viendrait plus tard. Pour l’heure, Jeanne correspondait très probablement au cliché de la jeune fille réservée et modeste, celle que l’on demandait à voir. Elle correspondait aux codes de beauté de l’époque et ce serait certainement ce qui justifierait ce mariage aux yeux des autres. Mais elle, elle n’en savait rien. Ou plutôt, elle se pensait pas à la hauteur et n’en jouait jamais. Elle aurait bien pu mettre le monde à ses pieds, mais pour quoi faire ? Son chevalier était là, à côté d’elle. Enfin, son père glissa sa main dans celle de Charles. Ils étaient mariés. Elle ne dépendait plus de son père, elle était libérée. Un sourire se dessina sur ses lèvres, heureuse de pouvoir oublier toutes années de souffrance. Elle espérait quitter ce lieu au plus vite.
La fête continua dans la cour du château et un dîner fut servi dans la grande salle. Jeanne ne but pas de vin à outrance, ne souhaitant pas déplaire à Charles. Peut-être aurait-elle dû... Assise à côté de lui, elle mangea à sa faim. Elle avait tellement envie de pouvoir lui parler, encore et encore. Mais c’était interdit. Les bavardages ne devaient pas être à son initiative. Les joues légèrement rosies, elle était heureuse. Juste heureuse. Et un peu anxieuse. Leur première nuit ensemble l’intimidait, bien évidemment. Ce n’était pas simple.
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Je n'ai jamais été très religieux voyez vous...Alors il est évident que la fête de mon mariage me plut davantage que l'interminable cérémonie qui me lia jusqu'à la mort à cette jeune fille issue d'un patelin qui jusqu'à peu, m'était inconnu, me donnant par la même occasion le droit de gouverner sur celui-ci, ce qui était bien peu en comparaison à ce que mon épouse gagnait en m'épousant, à savoir, le magnifique et prestigieux nom de Valois.
Le dîner était tout à fait délicieux. Cela dit, étant le fils de Charles de Valois, j'avais déjà eu l'occasion de goûter bien mieux. Ce qui était encore plus délicieux que le dîner, cela dit, c'était l'hypocrisie générale. Le toast tout à fait ironique que me porta Mahaut de Châtillon, auquel je répondais avec ce sourire charmant qui ne permettait en rien à son épouse de comprendre qu'en vérité, nous nous détestions, en était un exemple. Je me plus à regarder les femmes danser, à me voir resservir du vin encore et encore, en restant toutefois des plus dignes. Étant un Valois, j'avais de la classe. Je n'allais pas agir comme un dépravé pour permettre à Mahaut de donner une raison valable à mon père de préférer son dernier fils issu de son union avec cette catin. Non, loin de là. Il fallait mal me connaître pour croire que j'allais mal me comporter en public. Je n'étais pas assez bête pour cela. Nous arrivâmes au gâteau, qui fut déposé devant nous afin d'être coupé sous les applaudissements réservés à récompenser le savoir faire des pâtissiers qui s'étaient attelés à le préparer. Au moins, le dessert était digne d'un mariage Valois.
« Madame de Valois », dis je à mon épouse, une fois les applaudissement terminés, l'invitant à se lever pour m'aider à le couper, comme le voulait la tradition. L’appeler ainsi m'écorchait presque la langue mais je n'en montrais rien, toujours aussi souriant. Cette femme n'avait rien d'une Valois, elle était trop naïve pour en être une. Les Valois étaient des gens intelligents, qui connaissaient les règles des jeux de pouvoirs. Si Jeanne de Joigny devait être comparée à une Valois, c'était bien de Marguerite qu'elle semblait le plus se rapprocher. Ma petite folle de soeur, que j'avais tant martyrisé. Maudit sois-je d'avoir hérité d'une femme pareille.
Après avoir coupé la première part du gâteau en déposant mes mains sur celle de ma femme, autour du même couteau, qui, à ce qu'il me semblait, avait frissonné à ce contact et à la proximité de mon corps contre le sien en cet instant précis, ( quel pouvoir de séduction avais je, n'est ce pas ? ), nous reprîmes nos places et dégustâmes le fameux dessert. Je jouais encore de mon charme. Au lieu de faire la tête toute la soirée tant j'étais contrarié de ce mariage, je faisais tout l'inverse. Le fils de mon père, vous dis je. Ainsi, je discutais avec les invités les plus proches, me retournant rarement ( il ne fallait tout de même pas qu'elle croie qu'elle était au centre de mon attention ), mais tout de même, vers mon épouse, à qui j'offrais l'un ou l'autre sourire, et vers qui j'approchais une fois ma fourchette, piquée d'une fraise, pour la lui faire goûter. Et voilà que j'étais en train de la faire violer les bonnes convenances...Mais comme je vous l'ais dit, je savais me comporter en public, charmer l'assemblée et apparaître comme un homme tout à fait vertueux. C'est pourquoi, bu quelques verres de vins, ( sans pour autant être saoul, je tiens bien l'alcool précisons le), pour m'aider à contenir mon envie de faire ravaler à bon nombres d'invités leur sourire hypocrite alors qu'ils riaient en secret de mon sort, je me tournais finalement vers mon innocente et naïve épouse, qui s’insupportait déjà par les regards admiratifs qu'elle arborait lorsqu'elle venait à observer la tenue et les parures de ma belle-mère, et lui proposait avec l'air du gentleman parfait, de m'accorder une danse.
Mon père, occupé à finir sa part du gâteau de mariage qui nous servait de dessert, parut étonné. Il avait raison de l'être...Moi, qui, déjà d'ordinaire, détester danser, avait toujours estimé, en prodige de l'art de la guerre que j'étais, que cela était parfait pour les sodomites et qu'à l'évidence, je n'avais pas besoin de ça pour parvenir à mes fins avec les femmes,...J'invitais mon épouse, que je méprisais déjà pour son titre si ridicule, à danser avec moi. « Oui, papa », avais je envie de dire, « Tu peux être étonné. Regarde qui, ici, te ressemble le plus. Qui, de Philippe ou de moi, est le plus grand manipulateur, le meilleur Valois, le fils de son père ? Comptes tu demeurer aveugle encore longtemps et laisser cette catin me rayer de la ligne de succession? »
Ma femme avait l'air tout à fait ravie. Je l'avais déjà remarqué durant le dîner, alors que je m'étais contenté, de temps à autre, de lui lancer des sourires, elle était suspendue à mes lèvres, désireuse de pouvoir me parler à nouveau, de mieux me connaître,...Elle était peut-être même déjà éprise de moi. Alors qu'elle ne représentait pas le moindre intérêt à mes yeux. Soyons honnête, je pouvais comprendre, d'une certaine façon, son regard admiratif. J'étais un Valois, le premier qu'elle aie vu de ses yeux. Elle avait bien intérêt à m'admirer, sans quoi cela relèverait de l'insolence. Et en plus d'être Valois, j'étais son mari. Doublement intérêt de l'être, en effet.
Naïve, innocente et heureuse. Voilà comment on pouvait décrire ma femme. Elle était belle, aussi, mais ce n'était pas ce qui sautait le plus à mes yeux en cet instant. Sa naïveté, mon dieu mais quelle naïveté de me croire ainsi comme si j'étais le plus aimable des hommes alors que la seule envie que j'avais la concernant était de lui prendre sa virginité ( et non de lui faire l'amour, car je n'y pensais pas de manière romantique du tout ), de briser sa naïveté et son innocence et de lui montrer, qu'elle n'aurait pas non seulement un Valois, mais en plus un pigeon. Non, ça non. Mahaut avait sans doute du dresser un portrait bien flatteur de moi pour que cette fille m'adopte ainsi comme l'homme de sa vie pour toujours et à jamais ( c'était ce qui se lisait dans ses yeux ), mais non, moi j'étais un homme et pas un personnage de comte. Elle aurait eu un meilleur portrait de moi en écoutant ma folle de petite sœur Marguerite. Ah, Marguerite...Dommage qu'elle aie trop peur de moi que pour venir à la cérémonie. Je me serais bien amusé à l'effrayer à nouveau.
Elle me regardait dans les yeux, alors que je la faisais tournoyer dans sa robe blanche, qui lui donnait l'air si pure...Les femmes sont les créatures les plus inintéressantes que je connaisse. Jeanne de Joigny me paraissait terriblement banale, terriblement comme les autres femmes, terriblement ennuyante...Je lui souriais, cachant mes véritables pensées. Il était clair que ce n'était pas le style de femme que je trouvais le plus intéressant. Mais d'un autre côté, qu'est ce qui était le mieux ? Une épouse fidèle et dévouée, ou une épouse comme Mahaut de Châtillon, d'un genre plus rare, plus manipulatrice, plus intelligente, sans doute plus dévergondée aussi ( sans quoi mon cher père ne l'aurait pas si vite épousée, soyons sincère...). Oui, pour ce qui était du côté sexuel, il allait falloir que j'apprenne à cette petite innocente ce qu'était le plaisir charnel, le vrai. Pour le reste, que faire...Certes, je me serais davantage amusé à réduire en miette la fierté d'une femme comme Mahaut de Châtillon et à m'employer à lui montrer qui était le maître. Mais, on m'avait donné une femme pure et naïve, il allait donc falloir que je trouve un moyen de m'amuser quand même avec ce que j'avais...Ma plus grande envie était de lui faire du mal. De briser son innocence, son rêve d'amour parfait, de lui faire payer le prix de sa naïveté, de lui montrer envie qui était le vrai Charles II de Valois...C'était ma première idée. Lui offrir une terrible nuit de noces au terme de laquelle elle sortirait véritablement détruite. Et oui, je me plaisais à détruire les belles choses. Et de surcroît, j'en voulais à cette femme de s'être mise sur mon chemin, d'avoir été contraint de l'épouser malgré son minable titre,...
La danse touchait à sa fin.
« Tout ces gens commencent à me fatiguer de leur présence... », dis je à ma femme alors que nous terminions de danser. Je la gratifiais ensuite d'un sourire en coin alors que je m'approchais suffisamment d'elle pour lui murmurer à l'oreille :
« Il est peut-être temps de passer au dessert, ne pensez vous pas ? »
Ses cheveux sentait les fleurs. Douce petite chose. J'éloignais ensuite mon visage du sien alors que la musique prenait fin, tout en replaçant une mèche rebelle de ces cheveux au bon endroit, attendant sa réponse. Qu'elle soit sincère ou non, je savais bien qu'elle ne pouvait répondre que oui à son mari, mais j'étais tout de même curieux de voir, à son expression, si elle en avait envie ou pas.
Après qu'elle m'eut répondu, je pris une nouvelle coupe de vin ainsi qu'une petite cuillère et frappa le verre avec celle-ci de sorte à réclamer le silence.
« Mes chers invités,... », déclarais-je, usant de mes talents d'orateur. « Merci à tous, d'être venus assister à mon mariage et d'avoir partagé avec mon épouse et moi les festivités de cette union, qui sans aucun doute, sera bénéfique autant pour les Joigny que pour les Valois », déclarais je, en regardant Mahaut de Chatillon et mon père, qui y décèleraient sans peine, et comme beaucoup d'autres invités, l'ironie qu'il y avait dans cette phrase tout à fait fausse. « Mais ils commencent à se faire tard, et comme vous le savez, ils nous restent, à mon épouse et à moi-même, des choses à faire pour consacrer cette union. Nous allons donc devoir vous quitter. »
Attendant que les sourires se dissipent suite à ma dernière phrase, je poursuivis, toujours aussi chaleureux en apparence :
« Profitez encore de la fête en notre absence, surtout, et merci à tous d'être venus si nombreux, oui, si nombreux assister à cette union. Je dois avouer que je n'aurais jamais cru que mon mariage intéresserait tant de mondes, je dois bien le dire...Merci à tous de votre chaleureuse présence, merci. », finissais je. Comme les plus intelligents de la salle pourraient le comprendre, cela signifiait que je savais pertinemment qu'ils étaient venus en nombres pour contempler cette alliance absurde, ridicule, choisie pour moi par mon père. Qu'ils étaient venus contempler ce pathétique mariage pour un membre de la famille Valois, qu'ils se gaussaient de nous. J'accordais mon dernier sourire le plus aimable à mon père, en terminant cette phrase, avant de m'approcher de lui pour aller trinquer en sa compagnie.
« A cette magnifique union que vous avez choisie pour moi, père. », déclarais je, le regardant droit dans les yeux. Je vidais ensuite mon verre d'un cul sec et m'approchais suffisament pour lui glisser à l'oreille, sans plus aucune chaleur dans la voix cette fois ;
« Vous êtes en train de devenir un Châtillon, et de débarrasser votre famille de ce qu'elle a de plus Valois. Réfléchissez y, père, en guise de cadeaux de mariage. Lequel de Philippe ou de moi, est le plus Valois des deux ? », demandais je, faisant bien sur allusion à ma capacité à manipuler et à jouer la comédie aussi bien que mon père, comme il l'avait bien constaté encore aujourd'hui.
Je m'éloignais en adressant un regard foudroyant à Mahaut de Châtillon, que seule elle et son mari purent constater, et quittais la pièce en présence de ma femme, afin d'aller consommer mon ridicule mariage.
Contrairement à l’homme qu’elle épousait, Jeanne était une jeune femme très pieuse. A vrai dire, il n’y avait que dans les mots de Dieu qu’elle trouvait le réconfort dont elle avait besoin lorsque son père se mettait à la frapper. Un père qui, finalement, n’en avait que le titre. Il n’était pas comme le Tout Puissant, loin de là. La cérémonie fut donc pour elle l’appel des anges vers une nouvelle liberté. Bien sûr, elle savait qu’elle aurait quelques nouvelles obligations mais elle ne serait plus avec un homme si cruel, du moins, la malheureuse le croyait encore, se laissant totalement tromper par les manières affables du Valois. Jeanne était également bien consciente que ce mariage profitait surtout à sa famille et se demandait encore comment Mahaut avait-elle pu produire un tel miracle, mais, dans un coin de sa tête, une petite voix lui soufflait de se méfier. Les Valois ne faisaient rien par hasard alors quels avantages pouvaient bien apporter leur petit comté de Joigny à cette si puissante famille ? Qu’est-ce qui, dans le plus grand secret, se préparait ? Elle ne tarderait sûrement pas à connaître l’avis de son époux sur la question.
Mais, en ces temps de joie, la jeune femme observait le banquet qui se déroulait dans cette Cour pleine de charme qui s’était réunie. Des confiseries à base de gingembre et de miel étaient présentées devant chaque convive par les serviteurs qui avaient installé les tables en un ballet qu’elle n’avait jusqu’ici jamais vraiment apprécié. C’était la première fois qu’elle rencontrait autant de nobles à la fois et elle se montrait curieuse sans toutefois avoir un comportement déplacé. Le dîner fut ainsi pour elle l’occasion de découvrir de nouveaux mets autre que les pommes traditionnelles qu’ils mangeaient pour ouvrir l’appétit. Elle ne put compter le nombre de plats tant elle dût se laver les mains entre chaque dans les bols d’eau parfumées qu’on leur apportait sans cesse. Le dessert était composé de dragées, traditionnelles et sucrées. Mais Jeanne n’avait fait que goûter la plupart des plats. La bienséance voulait que les femmes restent immaculée et délicates, ce qui était un peu compliqué avec tant de monde autour. Respectant l’étiquette, elle ne mangea donc que légèrement et serait soulagée d’avoir une robe toujours aussi nette. Le gâteau, une tarte aux fruits recouvertes de pétales de roses fut un ravissement pour ses yeux ébahis. Jamais elle n’avait mangé ça avant ! La voix de Charles la ramena sur terre alors qu’il lui demandait de l’aide pour couper le dessert. Etait-ce bien sage ? Elle ne voulait vraiment pas salir sa robe...
Ne lui opposant aucune des contrariétés qui agitaient son esprit, elle se leva et suivit le jeune homme près de la pâtisserie. Ou des pâtisseries. Il y avait, en fait, plein de choses nouvelles autour de ce qu’elle avait cru être une tarte aux fruits. Quel prodige avait donc réaliser le cuisinier ici ? Elle ne sut pas très bien comment, mais Jeanne se retrouva soudainement très proche de Charles avec un couteau dans la main. Elle se crispa légèrement, un réflexe qui trahissait les conditions de son enfance. Instinctivement, elle voulut reculer mais ne fit que se retrouver contre son corps alors qu’il attrapait ses mains, glissant le couteau dans celle de la jeune femme. Elle se prit à rougir, la proximité nouvelle lui semblant bien inconvenante à ses yeux. Et pourtant, pour les spectateurs, ce n’était pas si étrange maintenant qu’ils étaient mariés. Des fourmis semblaient lui parcourir la main alors que le contact la fit effectivement frissonner. Au final, ce fut surtout Charles qui guida sa main parce qu’elle était incapable de penser correctement et que, s’il ne la tenait pas, tremblait. Jamais un homme ne l’avait encore touchée et Jeanne se sentait intimidée.
Une fois assise, elle s’aperçut qu’elle tremblait encore. En fait, si. Charles lui avait déjà tenu la main et elle avait à chaque fois cette sensation étrange de papillons dans le ventre. Se remettant de ses émotions, la jeune femme souriait et se montrait avenante et se demandait déjà, quand il ne lui prêtait aucune attention, s’il avait tout de même quelques sentiments pour elle. Cette incertitude l’angoissait, et déjà, il se jouait d’elle. Il fallait voir comme ses yeux brillaient dès qu’il lui accordait ne serait-ce qu’un regard et un sourire ou lui proposer une fraise. La première fois, elle eut une hésitation, ce n’était pas vraiment convenable mais... Charles II De Valois n’était pas connu pour être un rustre qui se fichait de l’étiquette alors elle se prêta au jeu, des étoiles dans les yeux. Toutefois, elle jeta un regard vers Mahaut, comme pour s’assurer qu’elle ne venait pas de faire une bêtise. Elle admirait sa belle-mère et souhaitait plus que tout au monde avoir l’opportunité de devenir comme elle, un jour. Une ambition effrayante, peut-être que si elle en connaissait le prix, elle se contenterait de ce qu’elle avait. De toute façon Jeanne ne se contentait de ce qu’elle avait depuis toujours alors ce n’était pas difficile pour elle, même si elle espérait pouvoir accéder à des choses aussi belles et faire aussi honneur à son nouveau nom. Elle fut sortie de ses mièvres rêveries par Charles lui-même qui lui proposa une danse. Jeanne déglutit. Elle n’avait appris cet art que les semaines passées et craignait encore une fois de le ridiculiser. Mais un sourire ornait déjà ses lèvres. Elle avait vraiment de la chance d’avoir un mari si prévenant et attentionné à son égard !
Se levant à nouveau alors que des ménestrels jouaient de la musique, elle lui donna à nouveau sa main et s’en sortit plutôt bien. Disons, qu’elle s’attendait à pire mais là encore Charles savait la guider et elle suivait sans aucune résistance. Et puis, rapidement, l’ensemble des convives s’étaient joints à eux, si bien que son malaise ne dut pas être visible pour tout le monde. Loin d’imaginer les sombres projets de son époux à son sujet, elle vécut le moment et évitait soigneusement le regard de son père. Libre. Elle était libre et jamais, pensait-elle, quelqu’un pouvait plus mal encore. Finalement, il lui adressa quelques mots. Il se sentait fatigué par la présence des invités. A vrai dire, elle aussi. Hochant la tête, compréhensive, Jeanne se vit soudainement murmuré quelques mots à l’oreille. Dessert ? Ne venait-il pas de le manger ? Ah non... Il devait faire référence à la nuit de noces. Peu de femmes avaient bien voulu lui dire ce qu’il en était jusqu’à ce que le mariage ne fut officialisé. Elle avait donc eu quelques conseils dont la teneur était de tout faire pour satisfaire son époux. Très vague conseil qu’elle ne savait pas vraiment comment appliquer. Et y aurait-il deux personnes pour s’assurer qu’il était effectivement consommé ? Ou bien n’était-ce que pour les rois ? Les Valois étaient une famille importante, allaient-ils lui imposer une coutume si traumatisante ? « Vos désirs seront les miens... » Une adroite formule pour ne pas le contrarier même si elle n’était pas vraiment pressée de découvrir ce dessert. Elle ne savait pas vraiment quel genre d’homme elle découvrirait dans cette nouvelle intimité. Elle releva légèrement la tête et fut comme hypnotisée quand il replaça une mèche de ses cheveux. Son expression trahissait son appréhension. Et Charles le verrait mais ce n’était encore qu’une appréhension. Il capta alors l’attention de tous et Jeanne se mit naturellement en retrait vis à vis de lui. S’il lui reprochait son manque de piquant, il ne pourrait que reconnaître qu’elle ne l’embarrasserait jamais. Il sembla confirmer que leur union représentait un avantage pour les Valois. Elle avait beau retourner ça dans son esprit sous toutes les coutures, elle se demandait toujours en quoi et se demanda à cet instant si Charles disait quelque qu’il pensait vraiment ? Peut-être pourrait-elle lui poser la question mais quelque chose lui disait qu’il valait mieux se taire.
Tout son discours très formel l’impressionna. Il n’avait pas peur de parler en public, contrairement à elle. Il s’éloigna un moment et elle attendit dignement son retour. Le regard que l’on posait sur elle la mettait mal à l’aise. Elle sentait bien que certains étaient hypocrites, d’autres plus complices. Elle déglutit et quand Charles revint, elle le précéda pour quitter la pièce mais le laissa passer devant dans le couloir. Des serviteurs les suivaient. Pour quoi faire ? Tendue, anxieuse, Jeanne avait confiance en Charles. Et avait tendance à se rapprocher de lui, comme si soudain ces servantes étaient une menace.
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La vie de bourreau en bourreau. Jeanne était bien loin de s’imaginer qu’elle connaîtrait une vie aussi difficile que celle de son enfance. Le coeur gonflé d’espoir, elle croyait en ce nouvel avenir radieux, du moins autant qu’il pouvait l’être dans le cas de mariage arrangé. L’amour n’existait pas toujours dans les couples. Et elle se prêtait à l’envie d’y croire. Charles se montrait toujours très attentionné à son égard et elle s’était laissée abuser par le masque qu’il portait. Bientôt, elle connaîtrait son vrai visage. Mais en cet instant, elle s’interrogeait encore. Seraient-ils ennemis ? Vivraient-ils dans la plus parfaite indifférence l’un de l’autre, ne se rencontrant que pour accomplir un devoir conjugal nécessaire ? L’observerait-elle de loin aimer d’autres femmes ? Se contenterait-elle de soupirer après d’autres hommes ou bien vivrait-elle de ses passions et de ses enfants ? La détestera-t-il pour une raison ou une autre et si oui agirait-il comme son père ? Jeanne refusait cette éventualité. Il semblait vraiment différent de son père. Les Valois avait une grande distinction et s’ils étaient les meilleurs sur un champ de bataille, ils avaient une élégance certaine pour régler les affaires compliquées. C’était ce que l’on pensait d’eux. Ils étaient puissants, l’argent seul suffisait à calmer la plupart des ardeurs. Et ce mariage était une chance pour elle.
Le suivant en silence jusqu’à la chambre, elle se prenait à vouloir rester près de lui. Il lui avait juré protection quelques heures plus tôt, elle croyait donc en cette promesse. Naïve ? Oui. Mais la victime n’en n’était elle-même pas consciente. Elle ne voyait pas la toile qui allait peu à peu se tisser autour d’elle. Il ordonna aux serviteurs de les laisser et elle tressaillit. Ils ne seraient que tous les deux ? D’une part, leur présence était censée prévenir toute réclamation mais d’autre part... Elle était vraiment mal à l’aise de faire son devoir devant... Des serviteurs. Une servante insista mais il la rembarra un peu plus sèchement encore. Ce ton la surprit plus qu’il ne l’aurait dû. « Les Valois n’ont pas à se répéter très souvent, il ne doit pas apprécier l’attitude de cette servante... », pensa-t-elle. Il déjouait avec une facilité déconcertante les plans de son père. Ebahie, elle les regarda quitter la pièce. C’était tout bonnement incroyable ! Ici, personne ne l’écoutait jamais, ils vivaient tous dans l’ombre de son père. La porte se ferma et Jeanne réalisa qu’elle était désormais seule face à un homme. Un homme qu’elle pensait connaître mais certainement pas suffisamment pour être à l’aise dans une telle situation.
Le silence s’installa, pesant. C’était un instant de vérité, elle le savait fort bien. Les prochaines minutes allaient déterminer le reste de sa vie. Serait-ce le paradis ou l’enfer ? Tendue, elle se mordit nerveusement la lèvre inférieure. Oui, pour elle, il n’y avait rien de pire que le silence et l’indifférence. Dans les yeux de Charles, elle avait eu l’impression d’exister pour la première fois lorsqu’il était venu la rencontrer. Inconsciemment, elle avait bloqué sa respiration. Jusqu’à ce qu’il ne se rapproche. Elle vit son sourire et y répondit timidement. Lui aussi semblait un peu maladroit. Elle eut l’impression de percevoir une nouvelle facette. Une fragilité en lui qui la toucha énormément et la rassura. Oh, elle imaginait bien qu’il avait déjà eu l’occasion de toucher d’autres femmes avant elle, mais peut-être était-ce seulement celle qui lui avait appris les choses de l’amour ? Des tas de questions tournaient dans son esprit alors qu’il la rejoignit. Elle tremblait littéralement alors que sa robe tombait à ses pieds. Déchirée. Elle sursauté et déglutit, soudain plus craintive : elle n’avait plus rien pour se vêtir. Il venait de déchirer la seule robe qu’elle avait d’une valeur acceptable pour une cour de France.
La fraîcheur de l’air lui semblait mordante et instinctivement elle chercha à se dérober à son regard. Le regard inquisiteur de Charles la mit mal à l’aise et, rougissant, elle s’en voulut immédiatement de ne pas être plus libérée. Il tournait autour d’elle et lui fit de nouveau face. Une éternité. Allait-il l’humilier ? Après tout, il devait être très déçu. Jeanne se méprenait totalement et si son mari lui reconnaissait sa beauté, ce n’était pas son cas. Elle s’imaginait laide. Et elle portait encore la trace d’un coup qu’elle n’avait pu éviter sur l’une de ses côtes. Les mains couvrant sa nudité (du moins une partie parce qu’elle dut se rendre à l’évidence : elle ne pouvait tout cacher), il reprit la parole. Une remontrance. Elle le prit ainsi. Déglutissant elle se fit violence mais obéit à l’ordre avec tout de même quelques hésitations. Ses gestes étaient toujours un peu tremblants. Oui, elle était mal à l’aise et sentait bien qu’un jeu étrange s’installait. Ce n’était pas vraiment ainsi qu’elle imaginait le début de leur histoire depuis des nuits et des nuits qu’elle passait à rêver de leur union.
S’approcher ? Elle pencha la tête. Elle ne se sentait pas le courage de le faire. C’était comme si soudain elle portait un poids bien trop lourd pour elle. La voix de Charles était douce et pourtant... Pourtant elle eut la sensation d’être face à un scorpion. Une part de lui la tétanisait alors que l’autre... « Oh non, Charles, vous ne l’êtes pas ! » s’exclama-t-elle avec une certaine spontanéité. C’était certainement le petit coup qui avait manqué car pour prouver ses dire, elle se rapprocha sans discuter. Et il lui fit remarquer qu’il était toujours habillé. Elle se sentit stupide, sur le moment. Elle aurait dû y penser, les serviteurs étaient partis. Il avait sûrement besoin d’aide pour défaire des noeuds ou lacets... « Pardon », s’empressa-t-elle de répondre. Elle ne savait pas contre pas par où commencer. Elle avança une main, toujours tremblante, vers un noeud sans vraiment savoir si c’était bien le bon mais Charles se déroba tout d’un coup et alla s’assoir sur le lit. Oh non. Ne venait-elle pas de le fâcher ? Il retira lui-même sa chemise. Rouge de honte, Jeanne se mordit à nouveau la lèvre inférieure. Elle allait être répudiée à ce rythme et elle serait déshonorée. Son père allait la battre à mort. Ou la laisser pourrir quelque part. Mais sa vie s’arrêterait définitivement. N’osant croiser son regard, elle s’était tournée légèrement de trois quart. Elle avait échoué, c’était certain.
Un autre ordre. Tournant la tête vers lui, elle affronta ses yeux de glace et le vit sourire. Peut-être pas. Il semblait vouloir l’aider. Elle ne comprenait plus très bien quel était l’enjeu de tout ceci mais elle revient vers lui et s’agenouilla comme il le demanda et cette fois, elle prit sur elle pour bien faire. Bien sûr, elle frissonnait toujours et ses gestes étaient un peu maladroits mais elle se concentrait. Elle ne vit donc pas le regard du Valois détailler sa poitrine. Quand elle parvint à défaire le dernier vêtement, il lui demanda de se relever. Un peu désorientée, elle suivit encore une fois l’ordre. « Je vous pris de m’excuser, je... n’ai jamais fait ça, avant ». Oui, ce qu’elle disait était certainement ridicule. Au moins, ce qui était sûr, c’était qu’elle était vierge, si ça pouvait le rassurer : non, il n’épousait pas une catin.
Il posa alors soudainement ses mains sur elle. Jeanne se crispa instinctivement. Jusqu’à ce qu’il ne murmure à nouveau à son oreille. Elle frissonna et sourit, soudain rassurée. Il la trouvait « jolie » ! C’était tellement nouveau pour elle ! Son coeur se regonfla de joie jusqu’à ce qu’il ne la mette à nouveau au pied du mur. Et le masque se fissura. Sa manière de parler était si inattendue qu’elle ne pouvait être prise pour de bonnes intentions. Son coeur se mit à battre plus vite alors qu’une affreuse vérité commençait à se dessiner : d’un bourreau elle était passée à un autre. Se taire et endurer ou affronter ? Elle était piégée, elle le savait. Elle ne voulait pas le mécontenter. « Non », commença-t-elle d’une voix peu assurée. « Je suppose qu’ils ont préféré laisser le soin à mon époux de m’apprendre comment le satisfaire... ». Elle avait baissé les yeux respectueusement. Elle avait un talent malgré tout : elle savait tourné ses phrases. Il fallait dire que le Comte de Joigny était si imprévisible qu’elle avait appris au fil du temps l’art et la manière de tourner les mots. Elle ne s’en servait pas pour berner son entourage, seulement pour se protéger, très certainement donc un gâchis au yeux d’un Valois. Face à son ignorance, Jeanne avait envie de pleurer comme une enfant. Mais Charles se montra soudainement rassurant. Cet homme la perdait. Il changeait d’humeur et de personnalité en quelques secondes, elle avait du mal à le saisir. Tout ce qu’elle voulait, c’était qu’il l’aime et la traite bien. Il l’impressionnait beaucoup à ce moment là mais elle n’aspirait qu’à une chose : exister dans ses yeux.
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Jeanne était bien consciente de ses lacunes. Disons que Charles s’employait bien à le lui faire sentir et elle ne comprenait pas encore qui elle avait face à elle. Le masque se fissurait mais la jeune femme continuait de s’y accrocher. Elle ne pouvait pas croire qu’il se révélerait de la même veine que son père. La question tomba et elle ne comprit pas sur le moment pourquoi il la lui posait. La réponse était si évidente selon elle. Bien sûr qu’elle n’avait jamais vu un homme nu... C’était tout de même une question étrange, elle était toujours une enfant. C’était bien ce qui faisait la différence, n’est-ce pas ? Elle hocha donc la tête jusqu’à ce qu’il ne parle de toucher. Etait-ce seulement permis ? Un peu perdue, elle l’entendit lui rappeler qu’il serait le seul qu’elle pourrait toucher. Oh. Oui. C’était vrai. Elle venait de lier son destin à celui de Charles II De Valois, un jeune homme dont la réputation était changeante suivant les voix. Mais de cela, Jeanne n’avait pas pu encore s’en rendre compte et si Mahaut le lui avait décrit de si belle manière c’était certainement la vérité. Mais en avait-elle envie ? Oui, bien sûr mais elle ne savait pas vraiment comment s’y prendre. Elle se montrait très hésitante et maladroite, intimidée, surtout. Cependant, elle ne voulait surtout pas décevoir son mari alors elle le fit.
Sauf qu’elle avait dû faire quelque chose de mal parce que la tension se fit soudain beaucoup plus étouffante. Instinctivement, elle sentit la colère de Charles et eut un geste réflexe de recul. Il la saisit fermement par le poignet et Jeanne couina de douleur et tenta de se protéger d’un coup avec son bras libre. Là aussi, un réflexe. Certainement surprenant parce qu’elle n’était pas censée l’avoir. Il voulait lui inspirer de la crainte, il venait de réussir. Elle sentit la force qui s’exerçait sur son poignet s’amoindrir. Elle osa alors rouvrir les yeux mais le mal était fait : elle le craignait. Elle retenait ses larmes. Dieu qu’elle avait envie de courir et d’aller pleurer. C’était loin d’être comme elle l’avait imaginé ! Face à la réalité, elle mesura combien elle avait pu se tromper, à nourrir des rêves fous. Manifestement, les hommes étaient tous les mêmes et peut-être était-il normal de montrer de la violence ? Comment savoir ? Elle n’avait jamais eu une amie assez proche à qui elle aurait pu poser la question. Mais pourquoi ?
Son coeur se serra alors qu’il lui balançait la vérité à la figure. Sa vérité. Il était contrarié. Non, il était en colère. Parce que ce mariage ne lui convenait pas. Elle ne comprenait pas. Bien sûr, elle n’était pas idiote et savait bien qu’elle avait eu beaucoup de chance de pouvoir épouser un homme de son rang et elle se demandait encore qu’elle était sa valeur pour la famille Valois. Elle ne comprenait donc pas parce qu’il avait semblé lui montrer de l’intérêt et il aurait certainement pu refuser. Maintenant, il lui faisait clairement comprendre que tout était de sa faute. Décidément, Jeanne était vraiment un poids pour tout le monde... Elle était nulle. Encore une fois, elle n’apportait pas satisfaction et décevait. Le voile de tristesse qui passa dans son regard, elle ne put le cacher. Fragile, elle laissait Charles entrevoir l’étendue de sa véritable nature, ne lui cachant absolument plus rien d’elle-même. Le coeur meurtri, elle se mordait la lèvre inférieure. Si elle savait vraiment comment faire... Elle ne savait plus maintenant ce qu’il attendait d’elle. Jusqu’à ce qu’il ne reprenne la parole. Elle ne lui répondait pas, ne cherchant pas à se justifier, ni même à se défendre. Il changea de nouveau. Peut-être s’était-il rendu compte qu’elle n’y mettait pas de mauvaise volonté. Déglutissant, elle hocha la tête, les joues toujours rosies quand il annonça qu’il l’aiderait. Fermant les yeux docilement, elle restait malgré elle sur ses gardes. Difficile de se détendre alors qu’elle se sentait à sa merci. Et qu’elle avait vu de quelle violence il était capable. Un contact se fit sentir sur ses lèvres. Au début, elle n’osa pas réagir tout de suite, essayant de jauger la situation. Une part d’elle-même était prête à fuir et à se jeter du haut de n’importe quelle falaise et une autre voulait tellement être aimée... Les talents de son époux firent leur effet et elle finit par se détendre et répondre, se perdant dans ce qu’elle pensait percevoir : de la tendresse et du désir. Elle frissonna, comme il le voulait. Le contact entre eux l’angoissait bien toujours un peu et elle sursauta en sentant sa main sur elle. Mais c’était de la douceur, pas de la violence. Comprenant que le danger était passé, elle se laissa emporter dans ce tourbillon de nouvelles sensations. Amoureuse ? Oui. Ce Charles là était celui qu’elle voulait avoir pour elle. Elle avait besoin de lui pour survivre. Il ignorait certainement toutes les sombres pensées qui lui traversaient l’esprit et que seule la religion retenait. Elle était profondément croyante et ce serait faire injustice à Dieu que de se prendre la vie mais pouvait-elle endurer une vie aussi dénuée d’amour ?
Elle pouvait fuir. Mais pour finir dans quel état ? Le monde était dangereux aussi. Mieux valait se prémunir des souffrances et simplement mourir. Ou se perdre dans cet amour. Sentant la pression, elle suivit le mouvement qu’il voulait lui imposer, quittant de ce fait ses lèvres. S’agenouillant, elle rouvrit les yeux, toujours face à lui. Mais lui était resté debout. Il verrait qu’elle s’interrogerait un moment, elle était un livre ouvert mais comme il ne la rejoignait pas, elle crut comprendre ce qu’il attendait. Etait-ce permis ? S’il lui demandait probablement. Mettant ses questions de côté, elle porta ses mains sur lui et posa ses lèvres sur cette chose intrigante. Elle espérait ne pas faire de bêtise et parvenir à répondre à ses attentes.
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NB :Désolé, c'est plus court que d'habitude, étudier Histoire contempo a brûlé mes derniers soupçons d'imagination xD Je ferais mieux la prochaine fois
Dernière édition par Charles II de Valois le Dim 6 Déc - 13:10, édité 1 fois
Jeanne eut à peine prononcé les mots qu’il lui semblait avoir fait une erreur monumentale. Si jamais son père apprenait qu’elle s’était confiée auprès de Charles il allait vraiment se mettre en colère et elle essuierait encore des coups... Elle déglutit. Elle n’aurait vraiment pas dû dire la vérité. Regrettant amèrement et se sentant néanmoins soulagée par la réaction de son époux qui semblait ne pas apprécier du tout cette situation. Le coeur meurtri par des années de mauvais traitements, la jeune femme se sentit pour la première fois de sa vie protégée.
Gardant le silence, elle sentit soudain le vide immense du lit. Le Valois s’était levé boire un verre de vin. Jeanne ne sut plus très bien si elle avait vraiment commis une erreur ou non. Son coeur battait à la chamade, oscillant entre angoisse et espoir. Pourquoi s’éloignait-il ? Avait-elle fait quelque chose de mal ? Allait-il la répudier ? Déglutissant, elle savait qu’elle ne ferait jamais un mariage aussi intéressant que celui-ci.
Sentant bien la colère de Charles, la jeune fille restait muette. Elle ne savait pas quoi dire pour arranger les choses. Elle aurait vraiment dû garder le silence et prétendre une chute quelconque d’un cheval. Mais cela impliquait mentir à Charles, ce qui n’était pas concevable. Elle ne voulait pas avoir à lui mentir, elle voulait juste être aimée ! Sursautant quand il reprit la parole, sa gorge se serra et elle baissa honteusement la tête. Oui, elle avait honte. Elle était la victime mais elle s’en voulait de ne pas avoir été un homme. Elle aurait pu lui répondre, elle aurait pu lui prendre son titre comme Charles le prévoyait, elle aurait pu libérer le château de l’influence néfaste de cet homme. Mais, si elle avait été du sexe masculin, il aurait peut-être été différent et un bon comte... Comment le savoir ? Serrant les dents alors que les larmes lui montaient aux yeux, elle inspira profondément. Il était trop tard pour reculer maintenant. « Père aurait souhaité un héritier, je paie le prix de ma naissance depuis que je sais marcher. Il suffit d’une contrariété et que je sois dans la même pièce que lui pour qu’il ne déverse sa colère sur moi. » Et rester loin était compliqué come il était d’usage de se servir du donjon pour le logement de la noblesse... Même si elle avait réussi à avoir une chambre à part, c’était simplement parce qu’il disait qu’il irait jusqu’à la tuer si jamais elle trainait dans ses pieds. « J’essaie de ne pas être souvent dans la même pièce mais c’est ma mère alors qui subit ses courroux... Et je ne peux pas toujours fuir avant qu’il ne soit... Trop tard. » Sa voix trembla légèrement sur la fin de sa phrase.
Ses joues rosissaient. Elle le savait à la sensation de brûlure. Gardant le regard fixé sur les draps, elle ne relevait plus la tête et il fallut que Charles revienne. Elle sursauta encore quand il la toucha. Un réflexe. Elle s’en voulait aussi pour ce réflexe si stupide ! Il lui leva la tête, la forçant à le regarder. Le noeud dans sa gorge se faisait bien plus dur et elle peinait à respirer. Elle allait fondre en larmes. Et elle faisait tout pour les retenir.
Son nom ? Elle pensa Jeanne de Joigny mais Charles lui donna son nouveau pédigrée. Il était vrai qu’elle était mariée à présent et qu’elle avait le nom de son époux. Et pas n’importe quel nom : c’était celui de la plus puissante famille du royaume. Du moins, c’était ainsi qu’elle avait entendu son père les mentionner. Et Charles se plaisait bien évidemment à le lui rappeler. Se sentant un peu gauche, Jeanne hocha la tête, acquiesçant à tout. Et ses mots la firent frissonner. Il se posait en protecteur. Il ne lui en voulait pas et mieux encore, il se présentait comme l’un de ces preux chevaliers dont les troubadours contaient les aventures. Son coeur accéléra dans sa poitrine. Jeanne tombait amoureuse. Son regard qui tremblait jusque là se posa enfin dans les yeux bleus de Charles et elle s’y noya avec délectation. Les pupilles brillantes, elle ne lui résistait pas vraiment. Comment le pourrait-elle ? Oublié le comportement un peu dur qu’il avait eu envers elle, elle se rendait bien compte maintenant qu’il faisait tout ça simplement pour l’aider à grandir. Elle n’avait que quinze ans, au fond et si pour ses contemporains elle était adulte, elle avait encore le coeur tendre de l’adolescence. « Je n’obéirai plus qu’à vous », répéta-t-elle. Cela aussi était nouveau pour elle : ainsi son père n’était plus son référent. Et un puissant sentiment de liberté s’empara d’elle, ne s’apercevant pas du piège qui se refermait. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle rayonnait littéralement d’amour et de joie.
Quand Charles remonta sur le lit jusqu’à se jeter elle, elle n’eut aucun mouvement de recul. Elle l’accueillit même bras ouverts et s’autorisa à déposer quelques baisers sur chaque centimètre de peau que Charles lui laissait atteindre. Un sanglier ? Oh, il parlait du fameux cerf. « Je suis certaine que ce cerf sera votre triomphe ». Et son père serait dans une humeur noire... Un sentiment d’inquiétude l’envahit pour sa mère. « Et l’ire du Comte de Joigny s’abattra sur vous bien qu’il n’en montrera rien. Il ira déverser son ressentiment sur son épouse... »
Spoiler:
spoiler]Rhooo j'ai pas eu de mail pour m'avertir que tu avais répondu sur le sujet vraiment désolée pour la longue attente !
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« Sanglier ou cerf, je tuerais tout ce qui se trouve dans cette forêt», avais je répondu. « Ce domaine comprendra bien vite qui porte le nom de Valois. »
J'étais satisfait de l'effet que j'avais déjà sur Jeanne, mais je n'en étais pas étonné. Elle n'était pas la première femme sur qui je m'amusais à la manipulation sentimentale. Cela dit, elle était ma femme, la mienne, et cela changeait la donne. Il fallait encore plus qu'elle me soit dévouée corps et âme, qu'elle m'aime et m'admire et qu'elle ne conteste pas mes actes.
Quand je revint dans le lit nuptial, Jeanne m’accueillit à bras ouvert et prit même la liberté de m'embrasser. Douce enfant. Je souriais. Elle s'inquiétait pour sa mère qui subirait sans doute la foudre de son père. Je n'avais que faire du sort de la mère de ma femme, comme je n'avais que faire du sort des femmes ou même des gens en général. Je répondais tout de même.
« Tais toi. Je suis Charles de Valois. C'est moi qui fais les lois ici maintenant. Moi et personne d'autre. »
Nous n'avons plus beaucoup parlé ensuite, et je me suis surtout atteler à profiter de ma nuit de noces. Je ne me comportais pas en gentleman, pourtant Jeanne semblait déjà éprise de mon charme. C'était presque trop facile. J'étais doué pour séduire certes, et pour manipuler, mais je pouvais remercier mon père et ma mère de m'avoir permis d'avoir ce visage là, celui d'un Valois.
*
Trois mois avaient passé depuis mon mariage avec Jeanne, je n'étais pas du tout satisfait de la situation. Son père m'avait plusieurs manqué de respect. Et il avait même osé toucher à Jeanne une nouvelle fois.
Quand bien même eut il été un homme bon, j'avais le désir de l'évincer depuis le début. Il n'était pas tolérable que je sois encore dépourvu le titre longtemps. Je devais le tuer pour avoir son titre, c'était ainsi et pas autrement.
J'avais planifié les choses soigneusement. Jeanne, malgré mes excès de colère et les fois où je me plaisais à la battre en invoquant des raisons qui n'en était pas, ne voyait que le gentleman en moi, l'homme bon, l'homme public. Elle préférait oublier, visiblement, qu'elle aimait un homme dangereux et cruel. Elle préférait ne pas le voir et se noyer dans le mensonge d'un bonheur parfait. Cela me convenait. Qu'elle croie qu'elle mérite cela, c'était ce que je cherchais. A mes yeux, elle le méritait de toute façon. Par sa faute je n'étais rien dans la société.
Un jour, donc, le moment fut venu car le matin même, j'avais pris la défense de ma femme face à mon beau père. Je suivis mon beau-père, parti seul à la chasse. Seul oui, j'y avais veillé, lui disant pour l'énerver, qu'un homme qui ne savait pas chasser seul, ne savait pas chasser tout simplement.
J'avais appris à connaître bien cette forêt. Par un raccourci j'arrivais à le rejoindre sans qu'il n'aie pu s'y attendre. Sans aller dans le détail, disons que je l'avais tué après un bref discours de plusieurs coups de couteaux, un couteau simple et ridicule comme celui que pouvait posséder un paysan. J'avais ensuite arracher sa bourse, et l'avais jetée dans l'eau pour faire passer le tout pour un vol.
Le comte de Joigny, mort tué par un paysan. Oh comme ça sonnait ridicule. J'étais le comte de Joigny maintenant.
J'avais laissé un mot à Jeanne dans sa chambre pour lui dire de me rejoindre à un point de rendez vous défini dans la forêt. Je lui avais dis de venir seule et de ne pas se faire remarquer. Je n'avais plus qu'à l'attendre pour lui annoncer la bonne nouvelle.
Jeanne était impressionnée. L’homme qui venait d’unir sa vie à la sienne était si sûr de lui, si présomptueux aussi. Elle comprenait bien pourquoi les Valois étaient si souvent admirés et si critiqués aussi. Il semblait n’avoir aucune limite et prêt à tout pour parvenir à ses fins. D’où lui venait un esprit aussi obstiné ? Penchant la tête, Jeanne voulut tout d’abord lui répondre qu’il ne pourrait jamais abattre à lui tout seul une forêt aussi giboyeuse mais ayant compris à quel point la notion de défi pouvait le pousser dans une prise de risque inconsidéré, elle préféra tenter une autre parade. « Je n’en doute pas mais si vous parveniez à vos fins, cette forêt n’aurait plus rien à vous offrir. Je suis certaine que toutes les créatures qui y vivent ont senti votre présence et savent qu’elles sont à votre service ». Esquissant un sourire, elle ne savait jamais vraiment si elle en avait le droit. Le doute, les inquiétudes, c’était son quotidien et celui-ci ne semblait pas prêt de changer.
Accueillant Charles à bras ouverts dans le lit, elle continuait de parler. Elle n’avait jamais vraiment pu se confier à quelqu’un avant lui. Ici, tous tremblaient sous l’ombre du comte, personnage à présent menacé par les ambitions d’un jeune homme récemment humilié. Il lui intima de se taire lorsqu’elle évoqua les conséquences que son comportement pourrait susciter. Baissant les yeux dès qu’il éleva la voix, Jeanne serra les dents par réflexe. Si seulement elle pouvait échapper à cette vie... Tant de créatures souffraient et elle n’en pouvait plus de ces peurs permanentes. S’attendant à ce qu’il ne la frappe (les réflexes étant très ancrés ), elle fut surprise d’être à nouveau entraîner dans des jeux amoureux. Oui, il avait voulu la séduire et une fois encore, il y parvenait. Pourtant, l’équilibre était fragile : au fond d’elle même, elle sentait ce rugissement prêt à s’exprimer, tel un dernier souffle de vie capable de la mener à une fin rapide. Fragile, elle était également fatiguée, même si elle refusait de s’écouter la plupart du temps ou si elle s’enfonçait dans des rêves d’enfant
* **
Certains jours marquaient une vie : la naissance d’un enfant, un mariage, la perte d’un parent... Jeanne de Joigny allait bientôt connaître l’une de ces nouvelles expériences. Endormie dans le lit, elle s’étira longuement dans les draps et ouvrit les yeux. Il manquait Charles De Valois. Contrariée, elle se redressa tout en écartant ses cheveux qui lui brouillaient la vue. La vie à Joigny était pleine de tension. Le comte passait son temps à braver le fils des Valois sauf que la jeune femme avait compris qu’un coeur sombre se cachait sous des airs angéliques. Un coeur sombre qui s’ourdissait de haine et de rancoeur. Il avait été clair : ce mariage était une humiliation. Et le comte de Joigny, en passant son temps à vouloir le dominer ne faisait que rendre la situation invivable. Il ne fallait pas se leurrer, il tentait avant tout de pousser Charles hors de son domaine. Et Jeanne ne comprenait pas vraiment pourquoi le Valois ne souhaitait pas vivre ailleurs. Elle avait cru qu’il était du genre à voyager, à visiter sa famille et ses amis, à parader devant le roi de France, mais non. Ils étaient toujours là. Elle observa le bleu sur son bras qui s’estompait et son regard fut soudain attiré par un rouleau. Reconnaissant l’écriture de Charles, elle fronça les sourcils. Pourquoi lui donner rendez-vous dans un lieu pareil et sans personne ? Hésitant un moment sur la conduite à tenir, elle se leva et appela une servante. Jetant le mot dans les flammes, elle regarda l’encre brûler, emportant son secret dans les airs. Alors qu’elle brossait ses cheveux, elle apprit que son père était parti chasser seul, suite au défi lancé par le Valois. La nouvelle tourmenta Jeanne. Charles ne faisait rien sans avoir quelque chose en tête. Il la violentait parfois mais c’était de sa faute, elle le concevait. Elle ne correspondait pas à ce qu’il avait espéré. Si seulement son nom avait été plus prestigieux... Le destin en avait voulu autrement. Mais cette chasse en solitaire ne valait rien de bon. Obéissante, elle congédia la servante et longea les murs jusqu’à la forêt. Elle trouva sans peine le lieu du rendez-vous et aperçut Charles d’un peu plus haut. Commençant par le saluer, elle lui assura être seule également. Allait-il la tuer pour se débarrasser d’elle ? Oh, qu’il fasse. Au fond, elle était déjà morte depuis longtemps. Plongeant son regard dans le sien, elle devina tout de suite que quelque chose allait arriver. A moins que ce quelque chose ne s’était déjà produit. Frissonnant, elle restait à distance.
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Alors que je commençais à s'impatienter, j'aperçus une silhouette qui s'approchait. C'était une femme à la chevelure blonde comme le blé, qui tenait fermement un pan de sa robe dans sa main droite, alors que son regard était concentré sur le sol, éprouvant sans doute des difficultés à gravir la montée pour me rejoindre ainsi vêtue. Les habits des femmes n'étaient guère propice au randonnée secrète dans les forêts, c'était un fait. Il s'agissait évidemment de mon épouse Jeanne, modèle d'obéissance en devenir, grâce à mon œuvre. Après avoir été rassuré sur le fait qu'elle était bien venue seule, selon les ordres que je lui avais donné, je m'approchais d'elle.
Mon épouse avait l'air effrayée. Je pouvais la comprendre ; mon message était inquiétant. Je ne lui avais pas demandé de me rejoindre sur le rebord de la fontaine de la demeure, et je ne l'attendais pas un bouquet de fleur à la main comme le voulait les rêves romantiques des filles naives comme elle. Je lui avais demandé de me rejoindre seule dans un endroit précis de la forêt, ce qui n'était pas un lieu approprié pour une femme, et je n'avais ni présent, ni fleurs à lui offrir. A la place, j'avais du sang sur les mains. Mais elle ne pouvait pas encore le voir, étant trop loin.
« Bien. », répondis-je. « Je ne t'ai pas demandé de venir pour te tuer, tu sais. Tu n'as rien à craindre, alors approche, et efface moi cet air ahuri. », dis je, comme si j'avais lu dans les pensées de la jeune femme qui craignait en effet que je sois capable de la tuer et de me débarrasser ensuite de son corps. J'en étais capable, en effet, elle ne se trompait pas. Mais je n'en avais nulle envie, et je n'avais aucun intérêt à le faire. « Comment te sent tu ? Tu vas mieux, depuis ce matin ? », demandais je, faisant bien sur allusion au fait que son père avait commis l'immense erreur, en ce jour, de la toucher à nouveau. Ma femme. A moi. Celle que personne d'autre n'avait le droit de toucher.
« Ton père a commis une très grosse erreur, ce matin. Tu sais que je ne supporte pas qu'il te fasse du mal. Je lui avais dit que je ne l'accepterais plus. Tu es ma femme. Il t'a déjà suffisamment violenté pour le reste de ta vie, il n'avait aucunement le droit de t'insulter, de te toucher, ou de te manquer de respect. », expliquais je.
Depuis les tout premiers jours de mon mariage, j'avais rêvé de l'instant que je venais de vivre des dizaines de fois. L'insolence du père de ma femme nourrissait mes pulsions les plus sadiques. Si seulement je n'avais pas eu à masquer tout cela, à me montrer prudent, je l'aurais tué d'une façon bien pire que celle pour laquelle j'avais opté. Combien de fois, à table, lors du dîner, n'avais je pas imaginé lui planter une hache dans le crâne ? Ou le vider de son sang à coup de faucille ? A la place, j'avais du me satisfaire d'un combat au couteau. C'était si peu original. Mais j'étais tout de même satisfait, et comme après chaque chasse, chaque acte de violence, c'étaient mes pulsions charnelles qui s'emparaient de moi. Plus Jeanne s'approchait, plus j'avais envie de lui déchirer sa robe...Patience. J'avais d'abord une grande nouvelle à lui annoncer.
L'inclinaison des branches de l'arbre le plus proche gênaient ma vision. J'abaissais donc l'une des branches de ma main et avançais à mon tour vers elle.
« N'aie pas peur. », lui dis je d'une voix douce car elle pouvait maintenant voir le sang sur mes mains. « Je ne te veux aucun mal, fais moi confiance. », ajoutais-je. « Ferme les yeux, j'ai une surprise pour toi. » Je lui tendis ma main, - oui, ma main pleine de sang -, l'invitant à me suivre. Je déposais un baiser au creux de son cou. Le Charles romantique, si peu présent, était irrésistible au yeux de Jeanne de Joigny de Valois, je le savais bien...
« J'ai eu une discussion avec ton père. Il n'était pas d'accord d'arrêter de se montrer aussi malveillant avec toi. Il prétendait qu'en tant que comte, il détenait l'autorité, et que je n'avais rien à dire...Il croyait sans doute que j'allais accepter cela, mais c'est mal me connaître de croire que je laisserais un homme faire du mal à ma femme. », déclarais-je. Je regardais mon épouse droit dans les yeux. « Il ne te fera plus jamais de mal. Ouvre les yeux. », lui demandais je. Devant elle, gisait le cadavre de son père tel un présent.
Jeanne s’interrogeait. Pourquoi ce rendez-vous secret dans les bois ? Cela ne présageait rien de bon. Combien d’histoires horribles avait-elle entendu depuis l’enfance ? Certains maris étaient prêts à tout pour se débarrasser d’une femme qu’ils n’avaient pas choisi et Charles lui avait clairement fait comprendre qu’elle n’était pas son choix ni même à la hauteur de son rang. Bien sûr, tout ceci la peinait. Elle faisait tout pour ne pas lui faire du tord et le contenter mais elle avait l’impression que rien ne suffisait jamais. Lentement, mais sûrement, elle tombait sous son emprise. Elle n’avait pas vraiment le choix. Marchant difficilement, il lui fallut bien une heure pour le rejoindre. Un soupir s’échappa de ses lèvres quand elle aperçut cette colline qu’il allait falloir gravir. Attrapant sa robe pour relever suffisamment le tissus pour ne pas tomber, elle gravit les derniers mètres en faisant attention aux branches. Et le vit enfin.
La jeune fille était sur ses gardes. Qu’allait faire son mari ? La pendre à un arbre ? La poignarder en plein coeur ? Ou bien était-ce le genre de surprise digne de ces belles histoires de chevaliers qui s’échangeaient également auprès du feu et d’un conteur ? La peur la tenaillait et en même temps il y avait une forme de résilience face à son destin. Jeanne de Joigny n’était que de la petite noblesse, quand bien même son père se montrait aussi arrogant que Charles de Valois. Il ne devait sa félicité qu’à ses relations, et certainement pas par lui-même. Mais c’était déjà le jeu des apparences. Son oeil fut attiré par les tâches carmins. Ou de la boue. Avait-il creusé un trou pour l’enterrer vivante ?
Seuls les mots de Charles parvinrent à la sortir de sa terreur. Se mordant nerveusement la lèvre inférieure, elle approcha, toujours docile. Elle ne savait plus vraiment ce qu’elle faisait, elle suivait simplement les ordres, comme un soldat le ferait sur un champ de bataille. Quel était ce sang ? La situation lui échappait et elle ne comprenait pas. Charles battait constamment le chaud et le froid et elle avait toujours l’impression d’être idiote face à lui. Mais quand il s’inquiétait pour elle... C’était comme si chaque mot blessant s’évaporait loin, comme si les nuages sombres se dispersaient pour laisser le soleil briller comme jamais sur un monde féérique. Comment se sentait-elle ? La question pouvait être un piège mais elle ne l’envisagea pas. Les coups, elle y était habituée et elle avait connu pire. « Je... ». Vais bien ? Non. Les élancements de douleur étaient toujours là. Et elle ne pouvait pas mentir. « Je souffre encore mais j’ai connu des jours plus sombres... ».
Baissant les yeux, elle avait honte. Honte d’être cette victime incapable de se défendre. Si seulement elle était née comme un fils. Elle aurait su se battre et aurait certainement depuis longtemps fait tomber le bourreau. Quoique, son père ne l’aurait jamais battue alors, il aurait eu ce fils attendu. Il aurait été ce père qu’elle pouvait parfois voir chez d’autres. Dieu en avait voulu autrement et à présent elle allait découvrir un autre visage de Charles. Ce dernier commença à lui rappeler que l’acte de son père lui était insupportable, qu’elle lui appartenait et qu’il était désormais le seul à avoir des droits sur elle. Oui, elle était bien désormais sous sa seule autorité. Mais pensait-il vraiment ce qu’il disait sur ses droits et le respect ? C’était un monde d’hommes, les femmes n’étaient pas vraiment faites pour le pouvoir. Certaines parvenaient à y toucher, mais il leur fallait toujours un homme pour se faire. « Mon père est certainement trop ancré dans ses vieilles habitudes pour se souvenir que vous êtes désormais celui qui a autorité sur ma personne. L’alcool peut facilement affecter sa mémoire. »
La distance entre eux s’était réduite mais Jeanne s’arrêtait dès qu’il prenait la parole. C’était comme s’il était capable de l’hypnotiser. Ce sang... Quel était ce sang ? Un frisson lui parcourut l’échine. Son rythme cardiaque accéléra et ses pupilles s’élargissaient encore. Il abaissa une branche et franchit la distance. Il avait du sang sur les mains. Sursautant, un léger cri de surprise et d’effroi la tétanisa alors qu’il tentait de la rassurer. Ne pas avoir peur. Lui faire confiance. Cherchant son regard, il avait cette forme d’assurance et aucune once de méchanceté. Jeanne déglutit et finit par obéir. Elle ferma donc les yeux et sentit une main poisseuse attraper la sienne. Elle allait défaillir. C’était quelque chose de... Un baiser dans son cou suffit encore à la rassurer. Il n’allait pas la tuer. La situation restait tout de même malsaine mais il ne voulait pas la tuer. Il l’emmena quelque part. Ses pas étaient incertains, toujours gênée par sa robe. Que voulait-il lui montrer ?
Avant de le savoir, Charles lui expliqua patiemment qu’il avait eu une conversation. Au passé. Il utilisait le passé. Sur le moment, Jeanne n’y prêta pas vraiment attention quoique inconsciemment cela ne fit qu’augmenter son anxiété. Ouvrir les yeux. Le voulait-elle vraiment ? Elle hésita et laissa ses paupières se soulever. Tout d’abord, ce fut les yeux de Charles qu’elle vit. Son regard était profond et il y avait quelque chose de froid et d’implacable. Plus jamais ? Et, soudain, en périphérie de sa vision, elle distingua quelque chose. Ramenant les yeux sur l’objet, elle reconnut le cadavre du Comte de Joigny. De son père.
Rien n’arrêtait un Valois. Elle le mesurait pleinement à présent ce qu’il venait de faire : il avait assassiné un comte ! Et il venait d’en faire sa complice ! Comment comptait-il s’en sortir ? Les hommes de son père pourrait toujours réclamer justice et Charles n’était pas vraiment en bonne place. N’avait-il pas dû l’épouser ? Elle, petite noblesse sans importance dans le royaume de France ? Consciente qu’il la testait, il ne fallut pas longtemps à Jeanne pour comprendre. Une ancre de son passé venait de tomber. Une ombre venait d’être ravalée par les enfers. Et personne ne devait savoir. « Je vous suivrai, Comte de Joigny ». Il comprendrait ainsi qu’elle lui resterait fidèle. Elle ne pouvait décemment pas le remercier, ce ne serait pas convenable. Dieu allait probablement les punir mais elle ne l’abandonnerait pas. Tout ceci restait tout de même traumatisant et le sang sur sa main lui donnait l’impression désagréable d’avoir participé à tout ceci. Son âme était damnée.